Je me retrouve cette semaine sur le chantier d'un ami charpentier. Il m'a sollicité pour le levage en sous-œuvre des 3 parties d'un sommier en chêne (les 2 autres parties seront présentées plus tard). Un chantier tout confort, au sec, bien éclairé. Des conditions de travail idéales.
Il construit actuellement sa maison ossature bois (c'est une rénovation complète) et ces dernières semaines, il a été occupé à tailler l'ensemble avec les 2 muralières de 10,6m de longueur totale. Un solivage en chêne soutiendra le futur plancher. Il a opté pour des assemblages en queue d'aronde, "technique arunda".
Il est constitué uniquement de poutres que l'on pourrait qualifier de, "méchantes". Avec une masse volumique comprise entre 600 à 900 kg/m3 et des sections en 20 x 20cm pour les poteaux et 20 x 30cm pour les 3 sommiers. Les connaisseurs-euses savent que ce n'est pas ce genre de bois que l'on porte "sur l'os" ou que l'on "envoie à l'épaule".
Ici, on se préserve en utilisant la démultiplication de force des mouflages et on met à profit la stabilité qu'apporte la chèvre et ses 3 haubans. Le levage devient alors fluide, sans à-coup et presque sans effort. L'ensemble du sommier (de 10.6m de long) a été levé dans la journée.
Pour que tout se déroule bien, le maitre mot c'est l'anticipation. Avant le début du chantier, la position des ancrages a été déterminé et correctement ancré, une méthode de levage a été choisie, les poteaux sont en buttée sur "un axe charnière" qui est la position définitive du sommier dans la pièce. Les efforts sont connus et vérifiés. Le seul potentiel problème que nous avions identifié était la hauteur disponible de levage (mais cette réflexion concerne d'avantage la seconde partie du levage).
Ces paragraphes ne dispensent pas de solides bases pour réaliser correctement les nœuds et lever en sécurité. Personnellement, j'ai une expérience en grimpe dans les arbres et es surtout réalisé une formation spécialisée. Le petit mémento du cordiste est aussi bien connu.
Le portique (poteaux + sommier) pèse environ 370kg, on est sur un chêne quasi frais de sciage. Ici nous n'allons pas lever la totalité de ce poids car les 2 poteaux restent en appuis au sol. La charge à déplacer est d'environ 280kg. Le sommier étant assemblé au sol, il serait très difficile de soulever ce poids sans engendrer des tensions sur la charge et les ancrages importants. En sur élevant le portique à l'aide d'un cric de voiture, on diminue considérablement les efforts à fournir par la suite.
Directement placé sur la charge, un premier mouflage permet une démultiplication des forces par 4. Ces 4 brins de cordes permettent aussi de diminuer la charge appliquée sur la poulie bloqueur (c'est elle qui retient la charge). Installé sur la chèvre, un deuxième mouflage démultiplie par 7 la force.
Ce qui nous donne un mouflage théorique de 11 qui nous permet d'exercer une traction sur la corde d'environ 25kg pour lever une charge de 280kg! Je dis bien théorique, car en réalité, la démultiplication réelle doit tenir compte du diamètre des cordes et de leurs angles, du rendement des poulies et des frottements. En contrepartie, ce type de mouflages demandera plus de longueurs de corde et perdra en rendement (vitesse de levage).
La magie opère avec ce procédé vieux comme le monde, chaque levage est prenant et amène sa réflexion singulière. Je trouve cet univers passionnant.
La suite bientôt.
Discussions
J'adore !!!!! Que ce soit la fabrication avec ces méchantes poutrasses !!! Et le levage !!!
C'est quoi la technique arunda pour les QA ?
Arunda c'est le nom d'une marque suisse qui propose deux gabarits pour tailler les QA avec une bonne grosse défonceuse!
Berthier Ah d'accord, merci.
dependancesbois Merci pour ton message! Pour les gabarits, qui sont plutôt onéreux à l'achat, il a préféré en réaliser 2 différents. 1 plus petit pour la QA des solives et l'autre pour les assemblages poteaux/sommier.
Corps et Bois merci pour les précisions !
Et oui la formation ergolevage a une très bonne réputation !
J'ai vu qu'elle se faisait en une seule fois maintenant.
Les techniques de cordes sont vraiment utile dans ce métier pour durer sans se casser!
dependancesbois effectivement, elle ne se passe qu'en une seule fois depuis 2022. La formation de niv2 était plus axée sur le levage technique à l'aide d'échafaudage. Les possibilités sont énormes. La prise en charge de la formation n'est également plus possible depuis c’est année.
Les TMS et autres problèmes sont monnaie courante dans nos métiers, l'intervention de l'ergothérapeute durant la formation nous à bien fait comprendre l'importance de la posture et des muscles "profonds", gainant nos corps efficacement. Si je me souviens bien, une charge de 25kg soulevée sans fléchir les jambes, le dot courbé vers le sol, équivaut à une pression de 375kg sur les disques vertébraux...L'effet bras de levier sur les disques, qui est du au décalage du centre de gravité est juste énorme! Une fois qu'ils sont usées, c'est terminé. Lombalgies assurées.
Prenons soins de nous!
Corps et Bois clairement !!!
Malgré le financement qui n'est plus possible, je trouve le prix tout à fait correct !(surtout pour ce que ça apporte !).
"Être et durer!"
C'est impressionnant. Et ça fait tout drôle de voir un chantier de gros oeuvre avec des lustres !
Oui pas commun comme chantier. Ils ont acheté une salle des fêtes avec un potentiel très correct. Un beau volume, une forme compacte et bien exposée, avec une façade nord protégée des vents. L' isolation de base est en fibre de bois pour les murs et ouate de cellulose en plafond avec parement int en Fermacell. Ils ont récupéré les plaques des murs et refait une partie de l'ossature bois avec des sections plus importante.
Dans l'idée, une fois le solivage en chêne posé, il démontera proprement les plaques de Fermacell en plafond en vue d'une réutilisation future. Il aspirera et stockera la ouate de cellulose pour pouvoir la ré insufflé ensuite et pour finir, il détuilera et déposera la charpente pour pouvoir créer un étage.
En conservant le toit actuel et l'éclairage, ça lui permet de s'affranchir des conditions climatiques et de pallier au manque de luminosité. Un gain de confort et de temps fort appréciable dans ce genre d'aventure.
Ah oui effectivement, c'est plus que pas commun.
Le lieu d'origine déjà mais aussi la façon de procéder.
Il y a quelques avantages (et peut être quelques inconvénients) mais ça reste étonnant de voir les chèvres en intérieur.
Bien joué en tout cas !!
La formation de Philippe Cassé est juste une mine d'or
Un savoir transmis généreusement,
J'ai plusieurs amis charpentiers ayant fait la formation ergolevage et cela est simplement épatant
Oui c'est une formation très complète qui peut se passer en 2 niveaux. Un formateur avec un savoir et une maitrise très appréciable. 5 jours très intenses à manipuler les cordes pour lever ou déplacer différentes charges dans des situations variées. Le tout, avec une grande autonomie d'exécution et de multiples possibilités pour réaliser les ateliers (majoritairement en binômes).
Du levage, mais pas que. L'ergonomie, les postures et les étirements font partie de la formation.
Je la recommande vivement à tous-tes les intéressés-es.