Ce pas à pas présente un projet en cours de réalisation.

Il m'arrive régulièrement de partager quelques petits trucs de tournage à l'occasion de questions, ou en réaction à des créations ; et comme le dit si bien Nicoel mon moniteur d'aquaponey est encore malade... donc je me lance dans une dissection de la création d'un "bol" à bords naturels.
Je vais m'efforcer de partager quelques trucs et astuces (en tout cas ceux qui peuvent se transmettre par écran interposé) ; et pour ça quelques illustrations viendront de projets différents.
N'hésitez pas à poser des questions sur un point précis si ça vous intéresse, je ferais peut être des articles plus détaillés en réaction.
Moteur.... Action !!
Liste des articles
- La préparation
- Petit apparté : généralités très subjectives sur les bols à bord naturel.
- Trouver l'équilibre pour trouver la bonne vitesse.
- Shiny curvy burl looking for a dance with a steel rod
- Les petits plans malins du tourneur radin
- Apparté : dressage d'un mandrin
- Apparté 2 : l'utilisation de l'anneau pour finir les fonds
La préparation
Pour ce projet, j'ai un beau stock d'orme galeux (recouvert de loupes). Ca mérite d'en faire quelque chose qui sorte un peu de l'ordinaire... et de toute façon la loupe c'est pas ce qu'il y a de plus pratique pour manger sa soupe alors autant que ce soit beau et inutile.
J'ai un lot de gabarits en mdf/cp/osb à différents diamètres pour dégrossir mes blocs capables ; celui qu'on voit en photo fait un peu moins que la capacité max de mon tour au dessus du banc, en coupant comme je l'ai fait avec un peu de marge ça devrait passer.
Je dégrossis à la tronçonneuse, avec le gabarit pointé sur le bloc.
A cette étape je pourrais faire un bol "classique" et monter un anneau sur la face droite ; mais comme j'ai envie d'un bol à bord naturel il faut fixer côté écorce.
Toujours à la tronçonneuse, je viens réaliser un méplat sur la face écorce du bloc capable. Si vous n'êtes pas à l'aise et très habile avec la tronçonneuse, ce méplat peut se faire au ciseau, l'objectif principal est de faire sauter l'écorce pour que le plateau de tournage vienne se visser dans du bois en bonne et due forme.
Le méplat doit être le plus parallèle possible à la face opposée pour des raisons évidentes d'équilibrage.
Vissage du plateau, bien évidemment avec toutes les vis, du plus gros diamètre accepté par les alésages du plateau. Je conseille de pré-percer pour éviter que la vis ne casse en essayant de dévisser (ça devient une galère de couper le bois autour) ; et d'utiliser pour une fois la fonction de limiteur de couple sur votre perceuse : assez serré pour que ça ne bouge pas en tapant sur le plateau au marteau, mais pas trop pour ne pas fragiliser la vis.
On monte le plateau sur la broche du tour (éteint), on essaye de faire tourner la pièce à la main... Et là ça bloque. La scie sabre est mon amie pour corriger ce genre de petits défauts ; mais rassurez vous avec une scie à main ça marche aussi.
On vérifie que le plateau est bien vissé à fond sur la broche ; on fait encore deux trois tours à la main, deux trois coups de maillet pour vérifier que tout a l'air solide... et on est prêt.
Petit apparté : généralités très subjectives sur les bols à bord naturel.
Comme annoncé dans le titre, tout ce qui suit n'engage que moi et les idiots gens qui me croient.
Quand on débute le tournage, on bave tous devant les magnifiques bols à bord naturel, les "live edge" des anglich, et on a qu'une envie c'est de faire pareil.
Mais... on se rend bien vite compte que ça ne va pas être si simple. Avant de vouloir imiter le genre de pièce que je vais faire, il faut d'abord
_faire des petits bols (10-15cm) à bord pas naturel dans du bois sain
_faire des gros bols (20-30cm) à bord pas naturel dans du bois sain
_faire des très gros plateau (40cm)
_faire des petits bols à bord naturel dans du bois sain
_faire des petits bols avec du bois pas sain
etc...
Il y a une courbe d'apprentissage à suivre si vous voulez conserver tous vos membres attachés et votre tête ; c'est pas parce qu'il y a quatre teubés sur youtube qui font danser leur tour avec des bouts de bois trop gros et qui sont encore en vie que Darwin avait tors : statistiquement ils vont mourir sans descendance viable (et moi aussi d'ailleurs).
Et puis... c'est bien joli de faire du live edge, mais c'est aussi bien de le faire en recherchant une certaine esthétique. Personnellement, je trouve que ce qui fait la beauté de ces pièces c'est d'avoir quelque chose de fin, d'élancé, de léger. Bien sur j'ai commencé par faire des trucs épais et lourdeaux, et je les trouvais très beaux parce qu'ils étaient brut, naturels...
Mais si on y réfléchit bien, un arbre, c'est pas fait pour devenir un bol... c'est fait pour pousser et se reproduire. Donc quitte à lui voler sa chaire pour notre bon plaisir, autant le faire avec gout que diable.
Tout ça pour dire que si vous débutez, que vous tombez sur un morceau de bois magnifique, et que vous avez envie d'en faire quelque chose de beau, faites vos armes sur des buches mal dégrossies ; mais ne prenez pas le bois que vous n'aurez entre les mains qu'une fois dans votre vie pour qu'il finisse planté dans votre crâne ou dans le poêle à sécher les sueurs froides que vous aurez eu.
Bon, maintenant que c'est dit, place aux considérations plus brutales : techniquement il faut quoi comme "acquis" pour tourner un live edge ?
_Etre au clair avec l'épilepsie (les effets stroboscopiques ça vous parle ?)
_Savoir détacher son regard du l'outil ; parce que dans bien des cas on voit mieux ce qui se passe en regardant à l'opposé de là où on coupe.
_Savoir talonner au point de ne plus talonner (ouais je sais c'est pas clair...) ; l'idée c'est qu'il faut bien maitriser le talonnage comme guide, mais réussir à s'en passer comme appui. Pour savoir si vous le faites, faites une passe de 5mm sur un bol en bois tendre de 15cm de diamètre à 1000RPM, si vous vous brulez en touchant votre gouge c'est que c'est pas bon.
_Connaitre son tour : bruit, niveau de vibrations, accéder à l'arrêt d'urgence instinctivement, niveau de serrage de la contre pointe et du porte outil...
_Savoir affuter
_Savoir se "tordre" pour ne pas se mettre dans la ligne de tir. Même si techniquement il est impossible de ne jamais y passer, on peut se protéger la tête (casque forestier, de moto...) mais on ne peut pas se protéger le plexus, il faut donc savoir se positionner de manière à ce que si jamais ça part, ça parte dans l'épaule (gauche) plutôt que pleine face.
Désolé si ça fait un peu donneur de leçons, mais quitte à être le teubé sur youtube qui se la pète en faisant des trucs dangereux, je préfère l'assumer.
Et maintenant promis on tourne.
Trouver l'équilibre pour trouver la bonne vitesse.
Tourner en bords naturels, c'est tourner de l'air pendant une bonne partie du temps. Si limiter sa consommation de café et de sucre glace sont de bonnes idées pour éviter la tremblote, même le meilleur maitre taï chi va avoir du mal à suivre une courbe harmonieuse dans le vide si un satané bout de bois vient périodiquement lui mettre un coup de tatane dans les bras.
Une seule chose à faire : limiter la force du coup de tatane ; mais pour ça on va avoir plusieurs cordes à notre arc.
La première : la vitesse.
C'est mécanique : si la tremblote déplace votre bras de 1mm en 1 seconde, si votre bois tourne à 60RPM vous devez manger 1mm de bois au prochain passage, s'il tourne à 120 c'est 1/2mm, s'il tourne à 240 1/4 ... vous voyez l'idée?
Mais le problème c'est que vous n'avez pas un tour Bezombes HB3 boulonnée au sol, alors si vous faite accélérer un morceau de bois pas équilibré, votre tour part en voyage en dansant la valse et il vous écrase le pied (bande de chanceux, ç'aurait pu être pire)
Regardons mon exemple : grace à un petit zoom on voit que j'ai du bol, avant même d'avoir touché quoi que ce soit, je peux monter à 564RPM sans vibration notoire.
mais sur cet autre exemple, j'arrivais pas à plus de 300.
Pour accélérer sans se tromper, il faut :
_perdre du poids
_gagner en équilibre
Donc on y va ; on commence par dresser le fond, puis on fais des petits escaliers en allant du fond vers le sommet jusqu'à finalement avoir une pièce qui est cylindrée. Plus il y a d'air et moins on prend des passes épaisses pour éviter de se faire embarquer. L'état de finition sera moche, mais ce n'est pas ça qui nous intéresse pour l'instant.
Arrivé à cette étape, on va créer notre tenon.
Pour un maximum de sécurité, le tenon doit être parfaitement ajusté aux mors du mandrin. fermez votre mandrin, ouvrez le pour laisser 2-3mm entre les mors, et vous avez là votre diamètre idéal. Vous reportez ce diamètre avec un pied à coulisse ou un compas à pointe sur votre fond de bol, et vous formez le tenon.
Détails importants : un tenon ne se fait pas au racloir, au bédane ou autre solution trop facile... vous pouvez le dégrossir comme ça si ça vous chante, mais il faut le finir à la gouge à profiler.
Pourquoi ? Parce que :
_le racloir ne coupe pas les fibre mais les racle (d'où son nom), il restera forcément des copeaux, arrachements ou autre petits bouts de bois qui vont empêcher un contact parfait. 1/10mm d'écart de concentricité au tenon, c'est 2mm d'écart au sommet d'un bol de 10cm de profondeur.
_le racloir va se "laisser porter" par les défauts de concentricité existants et les accentuer ; là où la gouge va permettre de les corriger.
Remarquez aussi la petite marche entre ce qui sera mon fond de bol et mon tenon. Il faut que le mandrin soit bien plaqué sur le fond, et faire une passe droite sans aucune vibration sur toute la largeur du fond est très compliqué ; sur un tout petit bout comme ça c'est plutôt facile.
Je passe au mandrin, je place bien mon tenon, je serre bien, et là malheur. La vitesse avant vibration n'est plus que de 483RPM.
Normal : tout à l'heure mon poids était près de la tête, avec la longueur du mandrin, et en ayant ma zone déséquilibrée à l'opposé j'ai augmenté les effets de levier et je ne peut plus tourner si vite.
C'est pas grave, tranquillement, je vais enlever du poids au centre des zones déséquilibrées.
Deux exemples et deux variantes du même principe : Je commence par creuser au centre, puis je vais de plus en plus sur l'extérieur jusqu'à conserver un épaisseur de travail intéressante tout en ayant retiré de la masse.
A partir de là, je fais en sorte de pouvoir retourner ma pièce. Dans un cas j'ai laissé mon plateau vissé tout du long, dans l'autre cas j'ai recréé un tenon au fond de mon bol. Je préfère laisser le plateau, mais dans le cas de la loupe le bois était trop irrégulier au centre, j'ai préféré opter pour un tenon qui m'assure une prise plus fiable.
Et voilà, le bloc est allégé, mieux équilibré (je remonte à 580-600RPM). La phase de bucheronnage se termine, place à l'art.
Shiny curvy burl looking for a dance with a steel rod
Pour rappel, on a ça :
Et à la fin on veut ça (spoiler alert !)
Pour ça on va utiliser tout un tas de jouets rigolos, à commencer par :
La grosse Bertha et sa petite soeur.
La première c'est une gouge à creuser 18mm de chez auprès de mon arbre ; avec un affutage vaguement 45/45 (le biseau est à 45° ; et "l'ongle" fait un angle de 45° avec l'axe de la gouge)
La deuxième c'est une gouge à creuser 13mm crown proPM (parce que y'a pro dans le nom, et puis il y a PM... c'est classe non ? Mais surtout parce que ce sont les gouges crown sont les plus longues sur le marché, pratique pour aller chercher au fond d'un bol). L'affutage est plus aigüe (40° de biseau) mais l'ongle moins fort (vaguement 50)
Les deux gouges sont très fortement détalonnées, jusqu'à conserver 2 à 5mm de talon derrière le tranchant. Ce détalonnage est là pour limiter les effort liés au talonnement, et ainsi éviter échauffement et vibrations, tout en permettant des courbes plus serrées.
La grosse Bertha permet de retirer des gros copeaux rapidement, et de travailler un peu loin du porte outil pour dégrossir sans avoir à rapprocher le PO toutes les trois minutes. La crown a un acier plus dur, qui résiste mieux à l'échauffement, et qui grâce à son affutage plus fin tranche plus proprement les fibres un peu anarchistes de cette loupe.
Commençons par chercher une courbe extérieure qui me plaise :
Je commence par chercher un diamètre de pied qui me semble suffisant pour que la pièce soit stable (vaguement un tiers du diamètre total) ; puis depuis ce pied je cherche progressivement ma courbe ; tout en arrêtant régulièrement le tour pour voir le grain du bois... et je cherche un compromis entre une forme "idéale" et un beau grain de bois.
En l'occurrence, je trouve le passage de la courbe fermée à la courbe ouverte un peu trop abrupte ; mais l'adoucir aurait signifié augmenter encore le déséquilibre de la pièce, creuser un peu trop deux zones d'inclusion d'écorce, et s'approcher dangereusement d'une fissure invisible de ce côté mais qui se voit à l'intérieur.
La qualité de passe est correct, sur la deuxième photo on voit tous les défauts : un peu d'arrachement à la transition loupe/bois sain ; une petite trace d'outil au niveau de l'inclusion d'écorce (l'écorce a encrassé ma gouge et j'ai du reprendre cette zone) ; et surtout il y a eu pas mal de vibrations et des arrêts sur la dernière pointe (un café de trop le matin).
Mais rien qui ne demande de poncer plus que Pilates, on descend le tour à la vitesse mini (40RPM), on colle un disque grain 80 sur l'orbitale et 2 min après c'est propre.
Et maintenant... dans la vie y'a deux catégories de personnes ; et je ne suis pas du tout de ceux qui ont un pistolet chargé, alors je creuse.
Avant ça, je rectifie un peu mon tenon (bin oui quand on fait que le retourner il perd un peu la boule le bonhomme)
Puis je retourne ma pièce, et je commence par affiner mes parois jusqu'à 15-20mm. Ca dépend des bois, mais il faut que ce soit assez rigide.
Vous remarquerez que j'ai encore gardé le tenon, on sait jamais. Vous remarquerez aussi que ça y'est, j'ai réduit suffisamment le poids pour tourner à 750RPM (pour moi c'est le "sweet spot" pour tourner de l'air sans trop galérer)
Maintenant, je vais passer au l'affinage à proprement parler : je rapproche mon porte outil au plus près de l'aile, et je travail en escalier, par petite zone de 30-40mm ; tout en gardant constamment mon centre plus épais que la périphérie. (j'ai mis une photo de l'autre exemple, j'ai un peu oublié le téléphone à ce moment là).
De temps en temps je vérifie mon épaisseur sur l'extérieur au pied à coulisse
Là je suis plutôt content, 8mm ça devrait être assez épais pour tenir la force centrifuge, à partir de maintenant l'épaisseur se règle à l'oeil et aux doigts.
Et puis là... c'est le trou noir.
J'ai continué à affiner par petite zone de 30-40mm de long, avec des passes finales extrêmement fines pour ne pas créer de vibrations, en ne talonnant quasiment pas pour ne pas créer de déflexion du bois, et j'en ai oublié de faire des photos...
Arrivé à un certain point, la gouge à creuser ne va plus, trop de porte à faux par rapport au porte outil, le manche qui s'approche dangereusement de l'aile du bol... A ce moment là je passe à l'anneau termite pour finir le fond ; je pourrais dédier un gouge à creuser avec un angle de biseau presque nul à ce genre de tâche, mais je trouve que l'anneau fonctionne particulièrement bien et a une qualité de coupe supérieure.
Sur la première photo mon doigt pointe la zone de transition entre travail à la gouge et travail à l'anneau. Sur la deuxième c'est le stade jusqu'auquel j'ai été à la gouge avant de passer à l'anneau (on remarque une discrète spirale liée à la déflexion du bois sur cette pièce).
Maintenant, poncez madame poncez.
La photo avec le pied à coulisse ? C'est juste pour se la péter.
Et voilà c'est fini...
Sauf pour le shiny du titre.
Pour le coup je vais rendre hommage à un grand : monsieur Christophe Nancey dont les DanaÏtes et autres Fleurs enrubannées sont juste à tomber par terre.
Et ce grand bonhomme a eu la gentillesse de partager sur une vidéo Bordet sa technique pour réaliser des inclusions d'étain.
Du coup chalumeau, barre d'étain, spatule, cyano et c'est parti.
Petite touche perso : j'aime bien faire un bouche pore à la gomme laque avant tout travail impliquant de la cyano ; ça évite que la colle ne soit trop bue par les bois poreux et ne fasse une vilaine trainée toute laide.
Et petit luxe bourgeois : grâce à la fée électricité qui comprime l'air ; la ponceuse de carrossier c'est vraiment génial pour finir ce genre de pièces.
Petit avertissement : le mélange étain/cyano c'est un mange disque à poncer, ne sous estimez pas la consommation.
Et bien nous y voilà, en voilà une pièce qu'elle est pas mal une fois poncée à 320 (ah oui j'oubliais, petit avertissement si vous faites de l'incrustation d'étain : au dessus du grain 320 la poudre d'étain vient se loger dans les pores du bois, du coup c'est tout noir et il faut reprendre le ponçage à 150... c'est un peu chiant).
Les petits plans malins du tourneur radin
Pour finir la partie tournage ; voici deux petite techniques souvent évoquées au détours de questions sur l'ADB mais jamais illustrées (enfin si je crois que graeme avait dû mettre une photo quelque part mais impossible de la retrouver).
Tout d'abord, le mandrin de reprise du pauvre.
Les plus observateur d'entre vous auront remarqué que j'ai marqué le centre de mon tenon d'un discret trou à la contre pointe. C'est le détail qui permet au miracle de se produire : un bout de frêne qui traine, je colle un bout de mousse (semelle de tong) dessus ; et avec la contre pointe je peux retirer proprement mon tenon.
Pour le petit téton qu'il reste à la fin, un coup de gouge de sculpteur et hop on en parle plus.
Reste plus qu'à poncer ça.
Et là deuxième technique de radin : un vieux plateau de ponceuse un peu fatigué, boulonné dans un bloc de noyer qui trainait là ; et voilà un lapidaire à disque interchangeable et à vitesse variable. Idéal pour poncer rapidement le c*l de notre bol ; mais aussi en y mettant un feutre de carrossier polir les vernis ou cires sur toutes nos créations.
Résultat :
Et pour le suspense : j'ai triché un peu sur ces photos... elles sont prises alors que la pièce est tout juste dégraissée à l'alcool à vernir.
Il me reste la finition à faire ; mais avant ça il va falloir patienter, le bois est à peine sec donc il va rester quelques semaines à la maison histoire de voir s'il va bouger, et s'il faut rectifier quelques détails avant de choisir quel produit mettra le mieux en valeur ses atours.
Apparté : dressage d'un mandrin
Lorsque j'ai fait l'incrustation d'étain, j'ai été interrompu par une panne de gaz... jamais au bon moment ces trucs là...
*J'en ai profiter pour passer au relais colis et j'ai récupéré ça :
Super un nouveau mandrin... mais tout comme un bon chien de berger c'est une génétique soigneusement sélectionnée et un dressage adapté ; pour devenir un bon mandrin de travail c'est la même chose.
Déjà le choix du mandrin : en l'occurrence je voulais un mandrin compact, parce que j'ai déjà ce qu'il faut en plus gros calibre, et pour avoir un mandrin moins gros près de la main lorsque je travaille des petites pièces. Je suis resté chez record power comme pour mes autres mandrins parce que d'une part j'en suis satisfait, et ils ont quelques avantages sur d'autres : déjà la compatibilité des mors entre mandrins sorby,record, nove et maintenant dictum fait que je regarde principalement ces marque là ; et ensuite le mécanisme arrière n'est pas fermé... c'est chiant parce qu'il faut nettoyer, mais c'est bien parce qu'on peut nettoyer et huiler sans avoir à démonter.
Maintenant il faut le dresser.
déjà les étapes préalables au montage :
_dégraisser la bête sortie d'usine (la graisse de protection d'usine s'amalgame avec la poussière, pas top)
_une petite goutte d'huile fine dans chaque perçage, et on ouvre le mandrin à fond
_on positionne les mors en respectant les numérotations (bon ça sorti d'usine c'est du flan, mais une fois qu'il sera dressé ce sera important pour pouvoir le remonter à chaque fois).
Puis le vissage des mors :
_on met en place toutes les vis, on dessert d'un quart de tour quand la vis arrive en butée
_on referme le mandrin en alignant bien les mors
_on serre en utilisant le petit levier sur la clé allen
_on rouvre un tout petit peu le mandrin et on serre en utilisant le grand levier de la clé allen.
maintenant place au dressage :
Je monte le mandrin sur le tour, puis je viens rectifier l'usinage avec un papier abrasif enroulé sur un support rigide. Je travaille la face, puis les prises en queue d'aronde interne et externe.
Vous croyez que ça ne fait pas de différence ? Posez votre doigt sur les mors tour en rotation avant et après, vous vous rendrez vite compte que la précision d'usine n'est pas si grande.
Bien sur on pourrait atteindre un degré de précision encore plus grand en faisant un montage spécial sur le porte outil ou la contrepointe... mais on va serrer du bois, atteindre un précision insensible au toucher c'est déjà largement suffisant.
Et si vous vous demandez pourquoi s'embêter avec ça ? Souvenez vous : 1/10mm de décentrage au mandrin, ça devient énorme sur un bol de 30cm. Si vous gardez des parois épaisses de 15mm, un de plus un de moins entre deux côtés du bol ça ne se verra pas ; par contre avec des 7-8mm ; ça se voit.
Apparté 2 : l'utilisation de l'anneau pour finir les fonds
Comme mentionné sur le bol en exemple du pas à pas, il m'arrive de finir mes fonds de bol avec un anneau de creusage termite (ça doit marcher avec d'autres, en revanche je ne sais pas si ça le ferait au crochet)
Pour commencer, quelques photos pour illustrer une situation dans laquelle ça devient utile
Sur ce saladier profond et à bords légèrement refermés, je me retrouve à être incapable de suivre ma courbe car si j'essaye l'outil vient frotter contre le bord. Je pourrais garder cet angle "maxi" et finir en ligne droite jusqu'au fond du saladier mais ça me ferait perdre mon épaisseur constante... beurk !
Je pourrais aussi laisser cette zone, creuser plus loin et rejoindre mes deux lignes au racloir, mais l'état de surface du racloir ne me plait pas (surtout sur ce bois vert et tortueux).
Je pourrais encore lever mon porte outil pour travailler au plafond ; mais la position est très inconfortable et en devient dangereuse.
Je sors donc ma botte secrète : travailler en rotation inversée à l'anneau.
Avant toute chose en rotation inversée, il ne faut pas oublier de serrer la petite vis allen à la base du mandrin ; si votre mandrin en est dépourvu, gros danger.
Puis je reprend ma coupe avec le côté fin de l'anneau. Ca demande d'avoir déjà bien pratiqué l'anneau pour réussir à trouver son point de talonnage parce que les accrocs ne pardonnent pas avec ça.
Pour enlever un grosse quantité de matière, je prend le côté large de l'anneau, puis je fais mes passes de finition avec le côté fin.
Et l'état de surface final, ça donne ça.
les images ne montrent pas de défaut (merci le téléphone de cacher la vérité) mais il y a une petite trace de reprise à la transition entre les zones travaillées à la gouge et à l'anneau.
En prenant les photos, je me suis demandé si finalement la rotation inversée était utile ??? Après tout on pourrait rester en rotation normale et travailler avec le bras droit au loin.
Du coup j'ai essayé sur un autre bol et ça marche... mais je continuerais à le faire en rotation inversée pour les grosses pièces : meilleure visibilité et position moins contraignante sont de sacrés atouts pour les pièces où on va garder l'anneau en main plusieurs minutes.
Mais si, contrairement à moi, vous pouvez faire le tour de votre tour, et que vous avez une commande déportée, il est possible de travailler du côté du banc opposé au côté habituel, et là je pense qu'il y aurait le meilleur des deux mondes.
Ce pas à pas présente un projet en cours de réalisation.
Discussions
Impressionnant!
Superbe pas-à-pas pour une technique délicate et maîtrisée
Pas des projets que j'aborde actuellement, faut déjà trouver des pièces de bois adéquates.
Cela dit, je commencerai par des petits petits diamètres
En attendant, je retiens le mandrin à friction.
Faudrait qu'on fasse une page dédiée aux accessoires de tournage DIY
Bonne idée la page accessoires DIY ; faudrait créer un collectif de tourneurs pour alimenter ça.
Merci pour le partage ! Plein de points bien intéressants...
Je suis impressionné par la radicalité du détalonnage sur tes gouges à creuser. J'avais pas osé aller jusque là, j'ai récemment trouvé une très nette différence en enlevant quelques mm de talon sur les miennes mais j'aime bien la logique inverse de juste laisser quelques mm ça donne envie de tester !
Garder le plateau ou un tenon pour enlever de la masse à l'intérieur, pour gagner du RPM et fignoler l'extérieur pépère, ça semble évident une fois qu'on le dit mais j'y avais pas pensé et jamais vu ça ailleurs non plus...
Et puis je suis intrigué par le fait de faire les fonds à l'anneau, j'avoue que j'ai du mal à visualiser la technique.
Le détalonnage des gouges a plusieurs avantages, surtout sur les grosses gouges :
_surface de talonnage moins grande = moins de frottement donc moins d'échauffement et gouge moins entrainée par les irrégularités du bois.
_possibilité de courbes fermées plus serrées
_affutage du biseau principal plus rapide.
Par contre les inconvénients :
_moins de surface de talonnage = moins de support donc nécessité de mieux maitriser son geste
_il est plus compliqué de conserver un affutage régulier car on a moins de longueur de biseau pour régler son angle.
_nécessite un double système d'affutage : pour manger autant de matière il vaut mieux éviter d'utiliser la pierre fine qui nous sert à faire le biseau principal. Perso c'est ponceuse à bande avec bande de coutellerie en grain 40 ; redoutable.
Pour les fonds à l'anneau, je vais essayer de faire un détail.
Hello,
Dans ton aparté, je suis étonné que tu trouves un décalage de 1/10e entre les mors.
En mécanique, c'est énorme !
Est-ce qu'il ne s'agit pas du jeu des mors, leur permettant de bien coulisser ?
Pour autant, même si c'est cela, c'est de toute façon considérable.
Et tu arrives à gratter 1/10e de métal au papier de verre, quel alliage
?!
Bref, pub pour les mandrins ONEWAY qui n'ont pas ce décalage important et endurent de sacrés coups
Autre pub : la bombe de lubrifiant PTFE de la marque WD40, idéal pour le matos de tournage car sèche très vite et lubrifie longtemps (d'autres marques existent, bien sûr)
non je n'ai pas 1/10e d'écart, c'est un chiffre donné au pif pour illustrer. D'expérience le décalage est du même ordre sur les mandrins oneway ou vicmark (invisible mais sensible au doigt).
cocoM
OK ! Dans ce pas-à-pas, tu ne nous as pas habitué à faire les choses "au pif"
Je vais aller regarder ça sur mes mandrins...
Nicoel je n'ai pas de comparateur micrométrique, sinon effectivement j'aurais peut être poussé le bouchon plus loin.
Et pour le lubrifiant PTFE, je l'utilise aussi pour la glisse du banc, de la poupée mobile et du porte outil (autre marque, la même que mon huile fine, mais bon... avec un peu de bol c'est fabriqué dans la même usine et il n'y a que la bombe qui change en fin de chaîne ;)
Pour le mandrin je trouve que la bombe ça en met trop partout, je préfère la précision de la petite pipette.
cocoM
cocoM
?!
Petite question sur ce point "on remarque une discrète spirale liée à la déflexion du bois sur cette pièce"
Je constate aussi qquefois ce type de spirale lorsque je creuse mais j'ai du mal à comprendre le mécanisme
Nicoel c'est un phénomène de résonance : ta gouge (ou plus précisément son talon) rencontre une zone où le bois réagit différemment (écorce, échauffure, noeud...) ; ça crée une micro bosse, et à chaque tour ton talon va rebondir sur cette bosse et accentuer le phénomène avec un centième de seconde de décalage (je suis pas sur du centième hein ;) ; le décalage fait que la bosse se "déplace" à chaque tour et ça donne une spirale.
Quand c'est un noeud ou autre, la déformation n'est pas symétrique, donc en prenant une passe suffisamment fine on arrive à annuler le phénomène ; mais si c'est le bois qui se gondole (parce que parois fine ou bois vert alors ça ne marche pas, il faut réussir à détecter le phénomène rapidement pour réduire ses épaisseurs de passes et le limiter.
Une autre raison dans les fonds de bol profonds c'est que même si tu approche ton porte outil, son point d'appui est souvent loin en arrière pour pouvoir trouver l'angle adéquat ; et là c'est la gouge qui se met à vibrer et qui crée le phénomène de résonance. Dans ce cas on peut soit passer sur une gouge plus grosse (mais on perd en capacité à faire une courbe serrée) ; soit utiliser le combo porte outil courbé avec gouge à angle d'attaque réduit à 60° (mais je trouve l'état de surface moyen) ; soit utiliser un racloir (là encore état de surface bof) soit un anneau (mailleur état de surface mais plus dur d'avoir une courbe nette)
cocoM
Merci d'avoir développé
Effectivement, ça m'arrive avec bois durs ou irréguliers.
Je ne pence pas avoir mis de photo , mais j'en ai peut-être parler, apres ma memoire est loin d’être parfaite.