Voici un projet de restauration m'a occupé l'hiver et le printemps 2022 avec beaucoup de passion (et de temps passé).
C'est l'armoire à Porto de l'arrière grande-mère de ma belle fille qui moisissait (l'armoire, pas ma belle fille chérie 
) dans un garage depuis un bon bout de temps.
Ce meuble date de la seconde moitié du 18ème, et a été réalisé par un maître ébéniste renommé Jacques-Laurent Cosson. Nous avons découvert sa signature au cours du travail. J'espère qu'il ne se retournera pas dans sa tombe en voyant le résultat de cette restauration faite avec beaucoup d'amour... 
Pour ceux d'entre vous qui sont des boiseux ébénistes, vos avis me seront très utiles pour améliorer mes pratiques de néophyte éclairé mais néophyte tout de même. 
Après moult voyages entre la Vendée, Paris, les Hautes-Alpes, la Lorraine, l'armoire est enfin arrivée à destination à Londres en octobre.
Liste des articles
Au départ, une armoire bien abimée...
L'armoire fait 155 cm de haut (pieds et marbre compris), 97 de large et 38 de profondeur.
Elle est en acajou de cuba ciré (un sacré nombre de fois ... 
) avec un fond de caisse et des étagères en chêne.
L'aspect général est agréable à l'oeil mais très encrassé.
Des pièces d'ornement ont disparu : têtes de colonne, baguette coté supérieur droit, pied AR droit...
Les filets bicolores beige/noir (4mm) sont très très abimés, se décollent facilement et beaucoup manquent. Un panneau de porte est fendu largement. Les baguettes d'encadrement des panneaux sont également en mauvais état.
Quel est ce bois noir utilisé très cassant ? De l'ébène ?
Après de nombreuses échanges et réflexions avec des restaurateurs (Merci Denis Hazeaux), nous avons décidé de :
- enlever tous les bois abimés et de refaire toutes baguettes et filets en poirier pour éclaircir le meuble (en espérant que ce n'est pas un hérésie au regard du style du meuble...)
- refabriquer les pièces manquantes en sapelli : pas tout à fait la même couleur que l'acajou de Cuba mais on fait avec les moyens disponibles. L'acajou de Cuba est introuvable et interdit d'importation.
Jacques-Laurent Causson
Nous avons trouvé le sceau de JL Cosson sur le dessus de l'armoire.
J'espère ne pas avoir trahi cet ébéniste renommé en faisant cette restauration...
Décirage et décrassage en profondeur
C'est là que les choses sérieuses et longues commencent...
Le meuble est ciré et il s'agit d'enlever toutes les couches empilées depuis des lustres après démontage complet des portes, parties abimées et avant tout travail de restauration.
J'ai utilisé les 2 décireurs de Dugay avec de la laine de fer 0000 puis fine
- "Décapant d'ébéniste", appelé aussi décapant américain
- "Super décireur", assez liquide, ce qui n'est pas très pratique sur les surfaces verticales.
Le Décapant d'ébéniste donne de très bons résultats : légèrement gélifié, ne coule pas trop, s'étale facilement à la laine d'acier, se ramasse bien... Il est très pratique et super efficace ! 2 traitements nécessaires pour avoir une belle surface homogène, y compris dans les moulures des colonnes.
Rinçage général à l'alcool fin pour assainir le bois et enlevé les dernières traces de décapant.
Par contre, ATTENTION à la peau : gants épais indispensables !
Combiné à la grosse laine d'acier, ça fait des trous : peau bien brulée au bout de 4/5 jours de décirage.
Une grosse affaire de filets
Ma belle-fille n'étant pas fana des filets bicolores beige-noir un peu vieillots et des baguettes noires (tristes), nous avons décidé d'éclaircir le meuble en prenant du poirier.
Il y a 5 types de baguettes / filets à refaire
- 1) les baguettes intérieures (15*6 mm) des 4 portes : profil facile à reproduire (fraise CMT); rien de sorcier à la défonceuse sous table
- 2) les baguettes verticales extérieures (10*5) des deux portes de gauche (couvrant); idem
- 3) les baguettes 1/4 de rond de 3/4mm faites à la fraise de 4mm CMT (18m de baguette quand même:)
-- 3a) rectilignes en contour extérieur des panneaux : portes, flancs et moulures ceinturant le meuble en haut et en bas
-- 3b) cintrées en incrustation des têtes et pieds de colonne : aïe aïe... - 4) les filets (4*2 rabotés à 1 après collage) en contour intérieur des plates-bandes : portes et flancs.
Pour le collage des baguettes et filets, il a fallu être "créatifs" car c'était un crainte importante qu'ils n'adhèrent pas régulièrement au support
Certains collage sont faciles (colle de poisson) mais d'autres sont plus délicats.
Ah, j'allais oublier...
Turlututu, chapeaux pointus 
Fabrication des moulures manquantes, des têtes de colonne rondes et des baguettes cintrées
Il y a eu principalement 6 types de pièces à fabriquer :
- des traverses en sapelli pour restaurer le haut des flancs et de la face
- les baguettes de l'intérieur des portes
- les baguettes 1/4 de rond de l'extérieur des plate-bandes des portes et des flancs
- 2 pieds arrière : un manquant et l'autre cassé
- 3 têtes de colonne rondes qui étaient perdues ou trop abimées
- des baguettes cintrées sur les motifs des colonnes et là, il a fallu ruser...
Sans oublier le flipo sur la forte basse droite.
Les puristes trouveront certainement à redire et je l'accepte, mais force est de s'adapter pour avancer.
Les pièces faciles
1) Les traverses et pièces droites :
- petits tasseaux en sapelli,
- fraisage en 3 temps (1 courbe + 2 fraises droites) à la défonceuse sous table car je n'avais pas la fraise qui aurait permis de faire une seul passe à la toupie
2) Baguettes intérieures
Gabarit de défonce des baguettes; attention au retour sur les baguettes pas suffisamment serrées qui s'abiment facilement :((
3) Baguettes 1/4 de rond
Fraisées à partir un tasseau 4*4 et d'une fraise 3,5mm
Les pièces plus difficiles
4) Les deux pieds arrières
Tournage des 2 blocs de 4 tasseaux de sapelli par un ami du hameau
Légèrement plus courts (-2mm) pour assurer la stabilité arrière de l'armoire
Ils n'auront pas de coupelle (perdues) mais tant pis.
Les pièces compliquées
5) Les têtes de colonnes rondes
Là, on s'est bien amusé avec mon ami Roby (mon voisin qui m'a appris tellement de choses sur le travail du bois 
:).
Il a fallu fabriqué un gabarit d'usinage pour tourner les pièces rondes et faire gaffe aux doigts en les tournant.
Résultat très concluant pour un néophyte
6) Les baguettes cintrées
Là, j'ai buté sur la difficulté avant de trouver une parade de contournement. J-L Cosson et les puristes ne m'en voudront pas trop je l'espère...
Il existe surement une technique pour cintrer (vapeur/alcool ??) une petite baguette de 4*4 avec une rayon assez fort mais je ne la connais pas...
Je suis donc parti de filets 2*2 :
- cintrés à la vapeur et séchés une nuit
- collés 4 à 4 pour former la baguette courbe
- poncés pour obtenir un semblant de 1/4 de rond
- collés en place sur les têtes et les moulures de pied de colonne
Je suis très fier du résultat .
La tablette supérieure en marbre
Un marbrier l'a recollée et renforcée avec des tirants en carbone puis poncée finement pour redonner un nouvel éclat à la pierre.
Finition au vernis au tampon
Dernier gros chantier.
Ou comment redonner tout son lustre au très bel acajou de Cuba.
Un vrai plaisir.
Une partie des travaux précédents à été réalisée à la Croisée Découverte à Reillon (Lorraine) avec l'aide de mon ami Denis Hazeaux, ébéniste de talent et de passion.
On est parti sur une finition au vernis au tampon plutôt qu'à la cire. C'est tellement plus beau 
... bien que tellement plus long 
...
J'ai repris et appliqué la technique que m'a appris Denis et que j'avais expérimentée sur la restauration du bureau de marine en 2020.
Après une première série de couches, ça rend bien mais ça fait vraiment vernis "tout court" : ça brille au lieu de donner de la profondeur au bois. Horreur !!
D'autant que des gouttes parasites tombées sans les voir 
m'ont obligé à reponcer certains panneaux et à recommencer .
A force de patience et de persévérance, 35 couches plus tard ...
Voili voilou, ça avance.
Après les N couches de remplissage et un ponçage très fin au 400 à l'eau pour lisser complètement les surfaces (objectif : il ne doit plus y avoir quoi que ce soit qui brille), la magie du tampon opère : 3 gouttes de vernis sur le tampon et en tournant délicatement, le brillant profond se révèle tout seul.
C'est toujours magique cet instant : voir venir la profondeur et la lumière du bois. Le vernis doit être "transparent" au sens où il ne doit en rien gêner le regard sur le bois. Cela paie de tous les efforts !
Dernière étape, quincaillerie et remontage.
Les pieds seront posés à Londres (plus facile pour le transport)
Quant aux étagères, j'ai appliqué la technique du "ciré-rempli" qui donne une grande douceur au toucher sur les étagères en chêne.
3 étapes successives
- saupoudrer un peu de poudre de ponce sur la surface à travailler
- cirer "grassement" au pinceau en tournant pour bien faire rentrer la ponce dans les veines du bois; la cire est un peu diluée pour être plus facile à étendre
- laisser sécher puis frotter "vigoureusement" la surface en cercle jusqu'à la brillance (crampe à l'épaule :)
Recommencer si le bois le demande pour donner tout son éclat.
Le résultat est superbe.
L'intérieur du meuble est ciré en 2 couches successives.
La différence de teinte entre le vernis et la cire (blonde) est frappante.
Licence
Discussions
Elle est magnifique cette armoire restaurée !
Très beau travail !
Superbe... Beau travail!
Restau' grandiose!! Bravo
Merci pour le récapitulatif qui pourra ce révéler très utile
Magnifique, énorme boulot. Merci pour toutes ces explications.
Bravo!
superbe boulot !
Jacques Laurent Cosson: des meubles qui ont une certaine valeur...
anticstore.com...ebeniste/cosson
quel boulot mais quel résultat!
voilà un travail où toutes les disciplines empruntées et la débrouille de l'acteur sont très formatives. Il te reste à retrouver un autre meuble du genre à restaurer et surtout ne pas oublier de nous en faire part. Bravo
Merci merci
J’ai une table de nuit 18ème à restaurer
Tous les placages sont à refaire
Ça va être chaud car il n’y a pas une surface plane
Vraiment impressionnant !Bravo pour la patience et l'ingéniosité et merci pour le partage