J’avais récupéré deux épaves de couteaux japonais sur le stand de Koji, brocanteur japonais présent sur beaucoup de déballages à Paris (et parfois en province.) Un nakiri (littéralement « coupe-légumes ») et un yanagiba (littéralement « feuille de saule, » de par sa forme.) Un an plus tard, les voici enfin réhabilités.
Ce sont les manches que je vous présente ici, mais les lames ont demandé encore plus de travail qu’eux. Voici leur état initial en images.
Sur le nakiri, la soie était insuffisante. J’en ai mis une nouvelle en soudant une tige ronde.
Sur le yanagiba, le fil avait des crans, et la planche était bien piquée. J’ai corrigé le fil, meulé la planche (urasuki, pour les férus – ça, c’était délicat et long, sur ma meule à pédale !) et rémoulu l’extérieur (kireha.)
Pour les manches, je suis parti d’une petite chute de robinier que je garde depuis deux ans en me disant « ça peut servir » (c’est ce qui me restait après avoir fait des manches pour mes gouges.)
J’en ai tiré deux parallélépipèdes rectangles, que j’ai percés aussi droit que possible.
J’ai fait des trous ronds pour emmancher des soies plates, parce que je ne voyais pas comment faire des trous de la bonne forme avec le matériel à ma disposition. J’ai fait des trous ronds étagés, d’un diamètre inférieur à la largeur (dégressive) de la soie, ainsi que la soie soit serrée au niveau de ses tranches. J’ai testé pour vérifier que ça passait (et que mes trous étaient percés assez droit,) puis j’ai abattu les angles pour obtenir des octogones.
Comme pour tous mes manches (et autres projets) octogonaux, je me débrouille pour que les trois facettes les moins larges (sur le « dessus » et le « dessous » du manche) aient la même largeur. Je procède ainsi, (ce serait mieux avec un schéma, mais on verra plus tard pour ce dernier) :
Je mesure l’épaisseur du morceau de bois, et je divise par 3,415 (en fait, 2+√2.) Ça me donne la distance entre le coin de mon rectangle actuel et l’angle souhaité pour mon octogone. Je marque ces huit points à chaque bout, je les relie au crayon, et je retire tout le bois « au-dessus » des traits. Je me retrouve avec un octogone avec deux faces opposées plus larges, et les six autres de largeur égale et inclinées à 45° l’une par rapport à l’autre.
Puis j’ai emmanché en force, « convexisé » le cul, abattu les arêtes ; enduit d’huile de lin, frotté fort avec des copeaux, remis de l’huile.
Et voilà.
Ah si, j’ai bouché le trou avec du liège, pour éviter que de l’eau, lors du nettoyage du couteau, n’entre dans le manche et fasse rouiller la soie &c. Pour cela, j’ai coupé une rondelle de liège dans un bouchon de vin, j’ai découpé une pastille là-dedans avec un emporte-pièce, j’ai coupé la pastille en deux, et je l’ai bourrée dans le trou après l’avoir enduite, elle aussi, d’huile de lin.
Pour les fourreaux, c’est un morceau de carton ondulé double épaisseur très compact, plié au niveau du taillant, et tenu par du ruban gommé.
Visuellement, je trouves ces manches un peu trop épais, mais ils vont bien à mes grandes mains.
(La planche qu'on voit sur les photos, c'est une planche en hêtre de bout que j'ai "faite" (c'est un grand mot, j'ai juste raboté un côté et attaché une cordelette comme sur mes règles à bornoyer) à partir d'un morceau abandonné dans une coupe.)
Discussions
Ah ces lames ma préférence va au Bunka. J’ai grandi en voyant mes parents cuisiner avec ça. Madeleine de Proust.
Eh ben, j’en ai appris des choses, merci
Belle renov
Belle restauration. En effet les lames reviennent de loin ! Est-ce qu'au moins l'acier est de bonne qualité ?
Sacré travail de restauration ! Bravo et merci pour tous ces détails !
merci du partage détaillé, bon pas une critique mais quand même le manche original aurait mérité une reconstruction a l'identique
Je trouve les manches ovaux moins "contrôlables" que l'octogonal ; avec l'octogonal il m'est plus facile d'imposer et maintenir un angle (ça importe pour faires des tranches d'épaisseur régulière dans du légume épais, par exemple un demi chou.) Et l'octogonal est aussi un forme traditionnelle pour les couteaux japonais.