L'association de ma commune m'a demandé de fabriquer un support pour accueillir un tableau que le peintre a réaliser ( faute d'emplacement, il dormait depuis 4 ans dans une grange ).
Je leur ai dessiné un croquis, les seules contraintes sont: panneau de 2m de haut par 2m50 de large, traverse basse à 40 cm du sol, panne sablière au dessus du panneau, 3 tuiles en rampant (1m).
A partir de ça on va discuter des détails, par chance mon interlocuteur est un ancien menuisier retraité, il sera de bon conseil. Ils m'ont livrés les pièces de bois nécessaires, poteaux 18x18, pannes, liens et traverses 15x9, chevrons 9x7.
Les semelles ont été remplacées, trop piquées, gauches, du contrefil, je ne voulais pas passer du temps dessus pour un résultat foireux dans tous les cas.
Donc ils me ramènent des pièces de 20 par 18, vu qu'il y a du rab j'ai envie de leur donner une petite courbure, je trouvais ça plus sympa que des semelles droites.
Je trace le gabarit sur du contreplaqué pour reporter les cintres sur chaque face,
et tente de déligner à la circulaire ( rayon inférieur de 6m50 ). Elle n'a pas trop apprécié cette opération, mais ça passe quand même. J'ai un peu de travail au rabot/ponceuse à bande, les traits de scie pas tout à fait alignés.
Je vous passe les étapes de rabotage, les liens et chevrons sont corroyés à la dégau - rabot, les pannes et poteaux sont juste blanchis au rabot électrique, trop galère à dégauchir.
Ensuite je trace l'épure au sol, l'axe et faces poteau, le sol fini, le dessus des consoles, le dessous des chevrons et le sommet du faîtage.
Les bois sont mis sur ligne, en sélectionnant les faces qui seront apparentes, j'oriente les défauts sur les endroits le moins visible.
Je commence à mettre de niveau la semelle, je fais attention à ce que les chantiers n'entre pas en conflit avec le plomb lorsque je piquerai les liens.
Il faut bien l'immobiliser avec des coins, le niveau en travers m'assure qu'elle ne soit pas bancale.
Ensuite on applique le même principe en empilant chaque pièces, je place le poteau à son emplacement,
avec le fil à plomb je m'aligne sur l'épure, si je dois le bouger je rajuste mes coins et revérifie les niveaux.
j'utilise les chutes des semelles pour caler les liens bas, c'est la même épaisseur que le poteau.
toujours pareil, niveau, coins, pas bouger.
Ensuite les petites consoles qui supporteront les pannes sablières, ici je reconnais que mon calage est fait un peu à l'arrache, faudra faire gaffe en circulant autour.
Ok tout est sur ligne, je peux commencer à piquer les pièces.
J'ai un peu cherché sur l'Air du bois mais n'ai pas su trouver de détails sur le piquage, aussi je voulais essayer d'expliquer le procédé pour ceux que ça intéresse.
Le problème c'est qu'il me faut mes deux mains pour tenir le fil à plomb et le crayon, il m'en manque une pour prendre des photos. Pour le besoin une massette bloquera le fil.
Je cherche à trouver l'intersection des pièces, le fil sert de référence pour transposer une face sur l'autre. Le crayon est affuté sur un côté, on fait dégauchir ce petit plat sur la face à reporter.
J'évalue le jour entre le fil et le poteau, à l'emplacement ou viendra le lien (ici il vient à l'axe).
Si le cordeau affleure alors je fait un point en rasant, sinon je rajoute ce qu'il manque à l'oeil. En gardant le plat du crayon bien aligné au poteau, sur certaines pièces mal équarries il est parfois nécessaires d'aller loin derrière le fil.
Je décale un peu mon fil pour tracer le désabout, et trace 4 points en tenant le plat du crayon perpendiculaire au poteau.
Je positionne le plomb pour piquer en gorge, je suis toujours embêté pour aller tracé le poteau, c'est la position la moins agréable.
Je relie les points sur les chants et présente la jauge sur la face, si celle-ci s'aligne au poteau je considère que c'est bon et peut tracer.
Si ce n'est pas le cas il y a une erreur quelque part, il faut reprendre les opérations précédentes.
Je fais de même sur chaque élément, en évitant absolument de bouger la moindre pièce ( ici c'est du chêne mais avec des petites sections en sapin il faut être très vigilant ), je n'oublie pas de tracer le us faîtage pour remettre sur ligne plus tard.
J'enlève les pièces une par une, dans l'ordre:
je les marque, trace l'arasement du côté opposé, les embrèvements si besoin, puis avec une planchette de 8 cm la profondeur de mes tenons.
Je met à longueur et trace le désabout à l'équerre, le coupe et avec la grenouille je trace mes tenons de 30 mm par bout, je trace en gorge aussi c'est plus facile pour guider la lame de scie en sortie.
Je tenonne les petites pièces dans la presse d'établi, ensuite je scie les arasements puis chanfreine les tenon.
Avant d'attaquer les mortaises je perce le logement des chevilles, quand la " queue de cochon" sort du bois la mèche n'avance plus, à ce moment je rajoute un martyr afin de terminer le perçage sans éclat.
Je trace les mortaises et j'utilise l'outil qui me semble le plus approprié pour cette tâche.
Ici je réalise les embrèvement, je me suis servi de ces photos pour répondre à l'ami Paul, le lien ici : question embrèvement
Je trace et usine le gros tenons en pied de poteau, j'ai fait un petit épaulement ( pas sûr du terme, d'habitude je fais jamais ça, je me suis dit que ce serait plus propre ), je l'ai fait traversant pour éviter l'eau en fond de mortaise.
L'assemblage à blanc me permet de vérifier que tout colle, j'ai frotté une bougie sur tous les tenons pour les rentrer plus facilement. Je m'aide aussi de serre-joints car c'est nécessaire.
Pour tracer l'emplacement de la cheville sur les tenons et donner de la tire, j'utilise un tube en acier de diamètre 18, j'ai crée un tranchant par bout en perçant avec une mèche à fer de 18.
Je trace l'empreinte sur le tenon avec 1 ou 2 coup de marteau.
Grâce à ça je peux positionner la mèche ou je le souhaite, et j'ai un bon aperçu de la tire que je donne.
Je préfère trop que pas assez, il est toujours possible d'y mettre un coup de queue de rat pour enlever un peu de bois.
Maintenant je vais tailler la partie faîtage / traverses, je tourne les poteaux d'un quart, les positionne sur l'épure, toujours de niveau. J'ai fait le mi-bois de la croix avant de piquer les tenons ( la croix a deux fonctions, la première de bien contreventer, la seconde de donner un appui central au tableau ).
J'ai fait des tenons doubles pour les traverses, ici je mets un coup de craie bleue sur les chutes ( c'est le genre de truc ou je me plante facilement ), j'évide le centre à la mortaiseuse.
Ensuite les feuillures sur les traverses en m'aidant de la scie sur rail, vue que les pièces sont rondes j'adapte la profondeur de coupe en fonction.
Je suis un peu à l'étroit pour l'assemblage, la masse ne peut s'exprimer pleinement, je met des sangles pour serrer tout ça.
Point primordial je vérifie les diagonales et m'assure de l'équerrage, ce serait ballot que le tableau ne rentre pas...
Je suis plutôt satisfait je n'ai qu'un petit mm de différence sur ma pige.
Je termine en rentrant le faîtage dans l'enfourchement, et je perce sur place. Ca me semble un peu risqué de mettre de la tire sur des tenons doubles, et pour la croix sur les traverses avec feuillures, lorsque je taillais je ne savais toujours si je percerai ou mettrai une vis...
Finalement j'ai incliné le support de perceuse pour sortir à 3 cm de l'arasement derrière.
Ici je place les consoles sous les pannes sablières ( à l'envers, plus facile à positionner ), j'utilise une règle comme guide, la panne est ronde. je trace le dessus console et le dessous sablière pour faire deux petites entailles ( ça permet un blocage des pièces, ça me facilitera aussi le montage).
Je fais deux traits de scie, puis j'évide à la mortaiseuse.
Le délardement des pannes à la circulaire en appui sur une règle, ça vaut pas des entailles individuelles de chevrons, mais c'est plus rapide.
J'ai terminé la taille, je vais faire un peu de finitions.
Je commence par les liens ronds, je fais une encoche au centre à la mortaiseuse, pour scier les liens à la ruban en deux fois ( la lame est au bout du rouleau et l'opérateur n'est pas un adepte de cette machine ).
En général je ne me casse pas la tête, je ponce grossièrement au G40 pour des liens inaccessibles.
Ici c'est différent, les pièces sont à portée de main, je souhaite que lorsqu'on passe ses doigts cela glisse sans irrégularités. Y'a du boulot car mon sciage est très mauvais.
Je me suis acheté une fraise à copier il y a quelques temps, justement pour dresser des chants arrondis, autant l'étrenner ici.
avec la meuleuse d'angle j'améliore un peu la courbure, puis je fais une première passe avec la fraise à copier. Une seconde passe en descendant au max, il me manque encore 1,5 cm. Je préfère pas descendre la queue de cette valeur, n'ayant pas de fraise à affleurer je termine avec la plane, meuleuse ou ponceuse.
Il faut évacuer l'eau qui va s'infiltrer dans les mortaises des semelles. En inclinant le support, j'ai percé depuis le début de la courbe en essayant de récupérer la partie la plus basse de la mortaise.
J'ai fini par quelques chanfreins à la plane, en suivant plus ou moins le fil et noeuds du bois. Je charge tout ça sur palette pour l'amener chez un client qui dispose d'un hangar spacieux, afin que le peintre passe les premières couches de lasure.
Je récupère la charpente et voliges la veille du montage, il reste un peu de préparation;
Trier les chevrons, les percer au faîtage ( sinon la pointe fais éclater à coup sûr ), affuter les chevilles, déligner les chanlattes à l'égout, nettoyer les tuiles qui dorment sous les chênes depuis quelques années, préparer les outils et la quincaillerie nécessaires ...
Je n'ai pas pris de photos du levage, avec l'aide de plusieurs bénévoles et d'un tracteur avec chargeur frontal c'est allé assez vite.
On centre les semelles sur la plateforme, au sol on assemble la croix, traverses, poteaux et faîtage. Avec une élingue au milieu du faîtage, le tracteur lève l'ensemble et viens se positionner sur les semelles. Chacun prend un lien et l'engage lors de la descente des poteaux. Ensuite le chevillage des consoles, la pose des pannes puis les chevrons, recoupés au cordeau à l'égout.
L'après-midi je termine le voligeage, lattage et couverture.
Reste quelques bouts de bois à préparer pour la pose du tableau, deux planchettes contre les poteaux, une au-dessus de la croix et une traverse intermédiaire pour fixer un contreplaqué à l'arrière.
Les bénévoles ont installé le tableau, j'avais laissé 5 mm de jeu en largeur et hauteur, il n'y a pas eu à retoucher.
Discussions
Superbe ce travail,
Et merci pour avoir aussi bien détaillé chaque opération
+1
C'est un beau projet et une belle réalisation. Très
Intéressant le piquage! Tu as fait une sorte d'embout à tes serre-joints pour qu'ils prennent dans les trous de cheville ? Les miens sont équipés de pointe à planter, Merci pour ces explications. C'est presque un pas à pas !
On doit avoir les mêmes accessoires qui se montent sur les piher, très pratiques. Ajouter un embout martyr en demi-lune est une bonne idée, comme je suis un peu bourrin je les mets sans ( sur du résineux ça laisse des traces ).
Magnifique réalisation merci pour les explications et toutes les photos très détaillé de cette belle réalisation bravo à toi merci pour le partage
jolis tradi !
merci pour ton partage!
ça fait du bien de voir de la taille!
j aime beaucoup ce que tu fais et ton atelier.
Merci pour les détails. C'est un pas à pas caché !
Pour le piquage, j'ai regroupé quelques ressources papier/pdf qui m'avaient été utiles dans cet article