Mise en situation:
Petit tour de l'internet et de ce qu'il se fait, je tombe sur une boutique qui propose deux produits proches des miens, je me dis: "Super, je peux observer la concurrence pour voir leurs points forts/faibles et ce que cela met en évidence dans mon propre travail". C'est l'occasion de se remettre en question donc ou de valider des décisions prises.
Leurs produits semblent très bien, éco-responsables avec un packaging de paille bien pensé et argumenté. Par contre j'avais lu fait-main et artisanal alors que dans un reportage télé pour visiter le site de production on nous explique (en substance):
"On travaille principalement à la CNC, ça nous fait aller env. 7 fois plus vite qu'à la main, par contre c'est cher mais grâce à ça on est très précis, on évite les erreurs et on fait des séries les plus importantes possibles"
D'où ma question:
La limite entre industrie et artisanat c'est pas justement la force de travail humaine?
Le fait que chaque objet soit unique de par la main de celui qui fabrique, ah oui, un artisan.
Au premier coup d’œil je ne comprenais absolument pas les prix pratiqués et comment du fait-main/artisanal pouvait me concurrencer si fortement. J'ai regardé de long en large mes tableurs à me questionner sur le point que j'aurais pu rater. Ce qui m'a conduit à approfondir mes recherches sur ce fabricant.
Selon vous, une telle façon de produire c'est de l'artisanat et du fait-main?
Il y a bien une limite au delà de laquelle c'est un processus industriel.
12 réponses
Pour ma part la CNC n'est pas ce qui définit un artisan par rapport à une entreprise. Sinon nous pourrions critiquer la lamello zeta, la festool domino et tous les autres outils qui font gagner un temps dingue.
La différence pour moi se situe plutôt niveau organisation. Même pas forcément par rapport à la série car des industrie font de l'unitaire. Mais à partir du moment ou tu as un BE qui crache des plans et un presse bouton pour faire tourner les CNC on rentre dans une organisation industrielle. Je me suis moi même posé la question car je possède une CNC plutôt pas mal avec un magasin d'outils, table aspirante et compagnie que j'ai construite moi même. Il ne faut pas oublier qu'un menuisier reste un chef d'entreprise et que son objectif reste de vivre de son activité, surtout la menuiserie qui est un métier concurrentiel de dingue (comparé à plombier ou tu te fais 3000€/mois sans matériel onéreux relativement facilement). a titre d'exemple, beaucoup de menuisiers n'ayant pas de cnc ne fabriquent pas leur caissons eux-mêmes et se contentent de les acheter et de les habiller encore une fois pour une histoire de rentabilité.
Je me suis une fois fais critiquer par un autre artisan disant "c'est même pas fait main" je lui ai dis oui, mais accepterais-tu de payer 10x le prix pour que je te le fasse à la main? la et toute la question. La critiquer et facile, mais si la personne allonge les euros derrière pas de problème travail à la main c'est plus valorisant que faire de la CNC ça détend et ça change.
Malgré tout la CNC reste une technique impressionnante à maitriser. Ce que aujourd'hui je trouve dommage c'est qu'en général cela coince au niveau CAO pour les utilisateur de CNC (beaucoup ne savent pas dessiner plus que des carré sur sketchup et cie, mais pour faire du caisson ça suffit. Et pour combler leur lacunes, ils achètent, volent, copie les modèles d'autres personnes ce que je trouve bien dommage car la créativité et les possibilités infinies c'est bien la la force de la CNC. Après je reconnais que la phase conception (pour moi du moins) et la phase que je trouve la plus chiante je préfère être à l'atelier comme beaucoup mais faut bien passer par cela.
Si on regarde la question d'une manière un peu froide il suffit de ragarder du côter de notre chère législation et la NAFA (Nomenclature d'Activités Française de l'Artisanat) en donne une définition assez clair je trouve
"Indépendamment de la définition juridique de l’activité artisanale, présentée en annexe (cf. décret n° 2008-565 du 17 juin 2008 et les diverses versions antérieures), la présente publication qualifie fréquemment le processus de fabrication « d’artisanal » par opposition à « industriel ». Cette qualification signifie, dans ces cas d’utilisation, que le travail y est faiblement divisé, que les tâches manuelles y sont essentielles, peu répétitives, et
demandent un savoir et/ou un savoir-faire important "
Pour se que sa intéresse voir ici entreprises.go...e_nafa_rev2.pdf
Dans le cas de tes concurrents
soit c'est un gas qui as investi dans une CNC et qui applique des logiques de rationalisation de sont travail en faisant des séries ( oui la rationalisation du travail est utilisée en masse dans l'industrie mais ne lui est pas propre il n'est pas interdit à un artisan de bosser avec méthode ) et dans ce cas là c'est bien un artisan pas traditionaliste mais un artisan.
Par contre s'il possède un BE , un employé à la découpe deux au montage là oui on peu parler d'industrie dans le sens que le travail est divisé
Pour se qui est du "fait main" c'est l'exemple typique de la dénomination purement commerciale qui ne veut strictement rien dire
La différence entre une usine et un atelier ne peut se résumer au critère unique des machines utilisées. Il y a bien sûr la taille de la structure, l'organisation financière, le volume de production, ...
Mais la principale différence tient dans l'organisation du travail et le rapport au "métier".
Dans une usine, un ouvrier ne maîtrise qu'une toute petite partie du processus de fabrication (comme par exemple dans les Temps modernes de Chaplin, même si dans ce cas il s'agit plus de satire que d'un documentaire sur l'industrie).
Un artisan lui maîtrise un métier et donc l'ensemble du processus de fabrication (ou du moins une grande partie). De la conception du produit à la commercialisation du produit.
Un ouvrier posera la même charnière dans le même modèle de meuble toute la journée alors qu'un artisan aura le savoir faire pour fabriquer le meuble en entier. Et pourtant l'ouvrier n'utilisera qu'une visseuse alors que l'artisan aura peut-être fait tailler ses panneaux par son fournisseur à la CNC (mais il peut le faire quand même lui même s'il en a besoin).
Finalement l'outil importe peu. Kentaro qui utilise une CNC pour fabriquer des télescopes est un artisan car il maîtrise l'ensemble du processus de fabrication. L'outil lui facilite la vie et lui permet d'être rentable mais il peut s'en passer.
Si le passage du monde de l'atelier à celui de de l'usine vous intéresse, il y a un excellent documentaire qui a été diffusé sur Arte (vous le trouverez facilement sur Youtube).
Je dirais que l'usage d'une CNC n'est pas en soi un procédé industriel, mais que c'est l'intention qui compte. Si ton objectif est de faire des produits identiques de manière industrielle en grande série, bah c'est de l'industrie ! Si ton objectif est de faire des pièces uniques ou des petites séries, et que dans le procédé il y a l'utilisation d'une CNC, ce n'est pas pareil.
Une autre manière de dissocier les deux, c'est le geste. Que fait l'artisan ? Il travaille la matière pour obtenir quelque chose, et pour cela il a des outils et des compétences. Que fait un industriel ? Il optimise ses processus, sa production, le taux de charge de sa CNC... et pour cela met en place des techniciens qui la nourrissent.
Donc en fait tout est là : dans un cas tu as un gugusse au centre de l'atelier, et autour de lui il y a de la matière des outils, fût-ce une CNC. Dans l'autre cas tu as une CNC au centre de l'atelier, avec un ou plusieurs techniciens qui tournent autour, et de la matière qui y entre et qui en sort.
bonjour à tous !
je vous invite à lire le petit livre d'Ivan Illich intitulé "la convivialité" ; il ne répond pas directement à la question de départ (artisanat vs industrie) mais propose une réflexion sur la "convivialité" des outils. Schématiquement un outil convivial est maîtrisé par l'utilisateur, dans sa constitution, dans son fonctionnement et dans son utilisation. Il est donc à son service. Et non l'inverse, ce qui se produit quand le technicien finit par devoir se plier aux contraintes imposées par une machine, un système, une organisation complexe. C'est souvent le cas, me semble-t-il, lorsque l'outil et son utilisateur s'inscrivent dans une dynamique de croissance.
C'est là où cette notion de convivialité rejoint notre sujet ! L'artisan serait celui qui utilise des outils conviviaux dans un système et une organisation dt il conserve la maîtrise.
Peut être conviendrait il également d'intégrer à la réflexion le coût écologique du processus de production ?
Bonjour,
J'ai eu l'occasion, dans une vie précédente, de beaucoup réfléchir sur ce qui fait la différence entre l'artisan et l'artiste, et j'ai fini par penser que c'est l'intention.
Évidemment, ce n'est pas une réponse de nature à satisfaire tout le monde, mais c'est pourtant la plus juste que j'ai pu trouver.
Dans le cas qui nous préoccupe, on peut retenir un certain nombre de critères, mais il y aura toujours des exceptions, dont certaines ont déjà été soulevées. Et de nouveau, l'intention (c'est à dite plus spécifiquement, le rapport au travail réalisé) me parait le meilleur critère.
Là encore, ce n'est pas de nature à satisfaire tout le monde, notamment les amateurs de limites claires et de définitions...
Pour moi il y a deux notions dans ce qui est dit dans le post initial.
Fait main et artisanal.
De mon point de vu de néophyte, si on utilise des machine stationnaires, voir que de l'electroportatif, alors on n'est plus dans le fait main.
Alors que la personne seule qui est équipée au top des machines, y compris une CNC, fait de l'artisanat.
La différence est donc dans le processus de création.
J'aime beaucoup l'image d'une personne au milieu des outils/matières vs la machine ou la chaîne au milieu des humains.
mon cas lors d'un boulot saisonnier : sur une chaîne de conditionnement de melon, en entrée le cul du camion avec les melons, en sortie une palette de 3m de haut avec des cagettes calibrée a 100g prêt. Et bien que j'étais le seul opérateur dessus, ça n'avait rien d'artisanal
Question super intéressante, et assez vertigineuse car elle peut se décliner dans tout corps de métier : est-ce qu'un forgeron devient un industriel à partir du moment où il utilise un four numérique pour ses traitements thermiques ?
Est-ce que mon paysan boulanger qui réalise toutes les étapes de fabrication de la farine au pain, mais utilise successivement tracteur, convoyeurs, moulin automatique, pétrin électrique etc... est un artisan ?
C'est d'autant plus compliqué de placer la limite que la distinction "artisan" me semble etre une notion très franco-française : en anglais on dit craftsman que tu soit soudeur chez alstom ou ferronnier d'art travaillant sur des batiments historiques...
Pour couronner le tout tu peux très bien avoir au sein d'une meme entreprise une activité industrielle (un produit phare fabriqué et vendu en série de manière optimisée) qui est là pour alimenter financièrement d'autres activités plus créatives.
Ce genre de question peut aussi se poser pour placer la limte entre artisan et artiste. Et meme en regardant les artistes, est-ce qu'un street artiste qui reproduit 50 fois le meme dessin au pochoir et à la bombe est encore un artiste ou un industriel ???
Bonsoir
je ne suis pas en mesure de donner une réponse mais à mon sens je fais la différence sur la manière de travailler. Je ne juge pas les CNC et leurs propriétaires mais quand l'artisanat copie les méthodes de travail en automatisant au maximum, avec pour seul objectif prendre toujours des raccourcis afin de gagner du temps, et bien à mon sens ce n'est plus de l'artisanat.
Maintenant cela reste mon avis, pour moi un travail d'artisanat s'inscrit dans une certaine authenticité et les règles de l'art. Si concocter un travail sur un ordi sans rien connaitre ou presque à la matière travaillée je ne pense pas que le terme d'artisanat soit le plus adapté
Si tu fais que quelques produits identiques, arrive un moment ou se pose la question du sens du fait main. Faire 1000fois la meme piece à la mains (machines traditionnelles) ou la produire à la cnc, j'hesiterai pas.
Autre interêt pour eux, pas besoin d'une main d'oeuvre experte dure à trouver ou cher.
Le travail artisanal "fait main" survi grace aux besoins très specifiques non réalisables en série pour des clients exigeants.
quand je vois le secteur de l'agencement et de la cuisne, dans lequel je suis, on va de plus en plus vers le quasi tout cnc. quel interet de faire des caissons de cuisine aujourd'hui aux machines traditionnelles? A part si on a pas le choix, aucun...
Mes télescopes sont en bonne partie réalisés à partir de pièces de bois découpées à la cnc (qui plus est, par un sous-traitant, lui-même artisan).
Industrie ?
Bien sur que NON.
Le fait que l'on utilise une machine un peu plus élaborée d'une scie à format ne signifie pas que l'on est passé à l'industrie.
Cela reste un travail en toute petites séries, tout est assemblé à la main, tout est vérifié, testé par moi-même. Et je fais toujours du sur-mesure, même si les pièces sont usinées par une cnc...
Je suis et reste un artisan et mes produits restent des produits artisanaux.
Le sujet est complexe, mais globalement, l'industrie, ce sont des process, des systèmes de production optimisés, des équipes spécialisées en production, mais aussi en commercial et marketing, et surtout, c'est de la série. De la grande série. Cela suppose des investissements, et donc, du Kapital.
Je ne vais pas reprendre l'analyse un certain monsieur Karl...
(A noter que pas mal de gens, actuellement, considèrent que l'industrie d'armement française, qui produit de la très haute technologie, mais en nombre très limité, c'est de l'artisanat...)