Voici en détail la restauration d'un vieux rabot en chêne vert qui a déjà bien vécu.
Non pas que cela en vaille vraiment le coup (j'y ai passé environ trois soirées), mais je voulais voir ce que donnait l'insertion d'une pièce de bois pour resserrer la lumière d'un rabot bois.
Le diagnostique
Rabot en mauvais état:
- la lumière est immense (plus de 10mm!) car la semelle est bien usée. C'est pourquoi le rabot est bien moins haut que d'habitude;
- le coin est beaucoup trop court: il ne plaque pas correctement le contrefer sur le fer (et du coup le fer vibre beaucoup lors de la formation du copeau, bref ça fonctionne mal).
Nota: Une des joues étant fissurée, je l'ai recollée et renforcée avec une cornière en aluminium. Je qualifierais cette réparation de peu académique, mais je ne voyais pas comment renforce cette joue qui me semblait bien déformée et un peu fragile.
PS : excusez moi pour les balances de blanc fluctuantes, je ne maîtrise pas encore mon nouvel appareil photo !!
Liste des articles
Rétrécissement de la lumière: empiècement sur la semelle
La lumière trop grande du rabot ne lui permet pas de fonctionner correctement: à la limite pour raboter à plat cela peut aller, mais dès qu'il s'agit de raboter un "coin" le fer bute sur la pièce car la lumière ne limite plus assez la profondeur de passe.
Il faut donc rétrécir la lumière par l'insertion d'un petit bloc de bois dur dans la semelle. J'ai choisi de l'azobé car c'est un bois très dur et donc adapté à cette zone de la semelle où l'usure est importante.
Prévoir une épaisseur suffisante de l'insert tenant compte du fait que la semelle va encore s'user à l'usage (j'ai pris environ 10mm fini).
Voici les étapes de confection:
- découpe de l'insert en azobé (légèrement plus large que le fer);
- tracé au couteau du contour de l'insert sur la semelle du rabot;
- défonce au ciseau et finition à la guimbarde pour avoir une surface de collage plane et propre;
- collage de l'insert en azobé (notez que l'insert dépasse de la semelle);
- rabotage de la partie de l'insert dépassant de la semelle;
- ponçage fin de le semelle du rabot pour une parfaite planéité.
Pour tout dire, j'ai eu un petit micmac avec le sens de l'insert (dessus-dessous), d'où une lumière au final moins resserrée que ce que j'avais prévu.
XXX [Explications à venir avec schéma]] XXX
Confection du nouveau coin
Tracé du coin sur le côté du rabot
Afin de découper le nouveau coin, il est nécessaire de mesurer l'angle qu'il doit faire. C'est l'angle entre les deux faces d'appuis:
- appuis inférieur sur le contrefer;
- appuis supérieur contre les oreilles du fût.
Pour relever l'angle, il faut reporter les pentes de ces deux surfaces d'appuis sur le côté du rabot à l'aide d'une plaque plane fendue (cf. image ci dessous).
Ne pas oublier de mettre de fer et le contrefer à leur emplacement correct lors du tracé, car l'ensemble F+CF n'est en général pas d'épaisseur constante.
Il ne reste plus qu'à mesurer l'angle entre les deux droites que l'on vient de tracer au crayon sur le fût du rabot. En général, l'angle du coin est de 5°.
Découpe et ajustement du coin
Notez bien l'orientation du fil du bois dans le coin.
Sur tous les rabot que j'ai pu rencontrer, c'est quasi toujours la même orientation des anneaux de croissance. Je n'ai pas encore trouvé pourquoi...
Pour l'essence, le hêtre fait très bien l'affaire. Le coin est souvent de la même essence que le fût (donc cormier, chêne vert, fruitier ou hêtre). Voir ici.
Les différentes étapes:
- découpe grossière à la scie du coin;
- ajustement précis de la largeur du coin pour qu'il rentre avec un jeu minimum entre les joues;
- ajustement de l'angle du coin au rabot.
Pour l'ajustement de l'angle, enfoncer le coin dans le fût muni de F+CF et vérifier que F&CF sont bien plaqués sur toute leur longueur. Le plus important c'est de serrer F&CF près du tranchant. On peut vérifier en faisant quelques copeaux avec le rabot. Si pas de vibrations ni de bruits importants/étranges, ni de surface ondulée sur la pièce rabotée, c'est que ça doit être bon !
On peut aussi à ce stade d'ajustement retirer le coin et regarder où il frotte en cherchant les zones matées (brillantes) au niveau des zones de contact avec les oreilles. C'est un bon indicateur des zones de pression. Cela fonctionne bien avec le hêtre.
Finition du coin pour l'évacuation des copeaux
Une fois fer adapté au fût et au F+CF, il reste à y tailler un dégagement afin de laisser plus de place dans l'embouchure afin de pouvoir y glisser les doigts pour dégager d'éventuels copeaux coincés.
Il existe globalement deux formes possibles: arrondie ou rectangulaire.
J'ai opté pour le dégagement rectangulaire car facile à tailler au ciseau et je le trouve plus élégant !
Tracer au préalable au crayon la largeur des oreille (coin en place dans le fût).
Ajustement des joues
Là je pensais que c'était bon, j'avais essayé mon rabot sur le champ d'une planche étroite.
Erreur !! En n'utilisant que la partie centrale du tranchant, on ne teste pas la capacité du rabot à évacuer un copeau de la largeur du fer !
Il a donc fallu retoucher le pied des oreilles, à l'intérieur de l'embouchure. Accès difficile, un long ciseau étroit bien affûté était nécessaire.
Bilan
Cela m'a quand même occupé trois soirées de suite cette histoire.
Mais c'est bon, le rabot est parti pour reprendre du service pour un moment.
Et un fût en chêne vert avec une telle patine, j'adore !
Et j'aime bien l'idée de redonner vie à un outil qui en a déjà vu et du coup en verra encore.
Pour le coin, j'en étais à mon troisième, je commence à être rodé !
L'empiècement était une première: ce n'est pas très compliqué.
La seule difficulté réside dans l'ajustement de l'embouchure pour bien évacuer les copeaux.
Nouveau rabot à réparer, nouvel empiècement
Parmi les rabots que j'ai dernièrement acheté, il y en avait un en cormier (fût marqué Aux Mines de Suède) déjà réparé avec un empiècement pointu (qui est la manière traditionnelle comme le signale etiennedesthuilliers dans son commentaire ci-dessous), mais la pièce était manquante.
J'ai creusé un peu plus l'emplacement de la pièce à la guimbarde.
Il ne me restait plus qu'à tailler la pièce (chêne vert, je n'avais pas de cormier) au plus juste, en limitant la largeur de la lumière. Collage à la colle blanche.
Discussions
Bravo! Beau travail. Ce fût est superbe...
Merci.
Oui, complètement abîmé et en même temps la semelle est bicolore et ondé !
C'est dingue comme le chêne vert prend un aspect velouté sous la lumière rasante, je ne me lasse pas :)
+1 bravo !
Magnifique restauration et je crois qu'un rabot bois glisse mieux qu'un rabot fer
Je confirme. A chaque fois que j'utilise un rabot métallique, je suis frappé par la différence ... et préfère mes rabots bois !
dneis il faudrait que je remette les miens en état...
ça prend un peu de temps, mais c'est très instructif et ensuite tu seras content de les utiliser !
:-)
Sympa. J'ai souvent vu des inserts rapportés sur des rabots usés, et notamment sur des varlopes. Mais est-ce qu'il ne serait pas plus simple de rapporter une semelle complète (comme cela se fait notamment sur des rabots bois récents) ? C'est certes plus gourmand en bois...
Non, la semelle complète en bois rapporté n'est possible que pour un rabot neuf.
En effet, il faut tailler l'embouchure dans le fût complet.
Un semelle complète pour une restauration de rabot, cela voudrait dire qu'il faut:
Bref, mieux vaut mettre un petit insert devant le fer.
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J'ai déjà vu une varlope Goldenberg en hêtre avec une semelle rapportée en azobé qui se décollait, alors qu'elles étaient garanties indécollables à l'époque !
Autre exemple avec se rabot, probablement Goldenberg aussi:
dneis D'accord : merci de l'info
bonjour
deux observations si je peux me le permettre
la pièce a mettre devant est en général taillé en pointe sur le devant et non rectangulaire
de mettre une semelle sur un rabot en cormier ou en chêne vert ne pose pas de problème de collage, se fait fréquemment et ne pose pas de problème de déformation beaucoup de mes rabots on eu ce genre de restauration et durent dans le temps
bien amicalement
dneis l' azobé est un bois difficile a coller de plus il n est pas agréable au touché et glisse mal ce type d outil était d 'une qualité médiocre et ne tenait pas dans le temps ensuite suite aux problèmes un système de rainurage a été mis au point pour assurer une meilleure tenue a la semelle
il faut savoir que l'azobé est un bois difficile a sécher et que bien souvent employé avec un degré hygrométrique excessif c' est un bois de charpente ou de parqueterie mais de nombreux sinistre on été remarqué lors de certain collage sur béton
Merci etiennedesthuilliers pour les précisions sur les semelles rapportées.
J'ai effectivement aussi un rabot avec semelle rapportée intégrale suite à une réparation, il n'est pas tout jeune et ça tient. C'est vrai que la plupart des pièces rapportées sont "pointues".
Comme j'ai récupéré un rabot sur lequel la pièce était rectangulaire, et que ça me paraissait plus simple pour commencer, j'ai fait rectangulaire.
J'imagine que la forme pointue permet de ne pas accrocher la pièce rapportée lors du rabotage et donc préserve la réparation. Je me dis que si le collage est bien réalisé, le risque de décoller la pièce est faible. Peut être à tord... !
etiennedesthuilliers je vous fais confiance en ce qui concerne le collage de l'azobé.
Je confirme, l'azobé glisse mal et je le sens rien qu'avec cette petite pièce rapportée. La prochaine fois je prendrais du chêne vert !
J'ai un rabot Goldenberg avec semelle complète en azobé. Il est effectivement dur à pousser aussi. Le seul avantage est que c'est un bois bien dur qui se raye difficilement.
boonjour la prochaine fois je vous enverrai une pièce en gaïac , le vrai pas un succédané mais il faudra la coller a la cyano
Bravo, il valait la peine d'être sauvé, tout de même !
Merci pour ce pas à pas, j'ai justement un rabot en cormier peugeot trouvé dans un vide grenier dont il manque le coin
N'hésite pas à partager les photos du rabot, je suis toujours curieux !
Le fût est marqué Peugeot ou seulement le fer ?
Lame et fût sont marqués peugeot et sur le fût: cormier garanti.
Pour 1 euro
Autre trouvaille le même jour: Cormier et Peugeot également:
millo
la photo n'est pas passée:millo Ah le Peugeot & Cie est magnifique ! Fer en super bon état. Avec la vis c'est plus facile de régler le contre fer en plus. Si tu as une photo des inscriptions Peugeot sur le fût, ça me ravirait !
Peugeot & Cie est différent de Peugeot Frères. C'est plus ancien.
quelques infos ici ou là.
millo Le fer du bouvet (?) est monté à l'envers.
dneis bonjour merci si possible de faire parvenir une photo de la marque Peugeot j ai du participer à l' écriture d un livre sur les rabots avec pierre et je possède une documentation diabolique sur le sujet
C'est pas très lisible, j'ai fait au mieux.
Fût rabot et lames rabot et bouvet:
Merci millo ! Y'a plus qu'à s'en servir ;) le cormier c'est top.
Il est reparti pour un tour celui là. Dans mes rabots, j'en ai un où on lui a mis une semelle rapportée en laiton. C'est plus violent comme réparation !
Je viens apporter ma modeste pierre à la connaissance commune. Lors de la restauration d'un de mes rabots j'ai du lui refaire son coin manquant et, sans faire attention, j'ai orienté les cernes de bois sur dosse et non sur quartier comme tu le suggérais. Et voilà le résultat: une fente s'est créée sur le dessus comme on pourrait s'attendre. Tu disais ne pas avoir trouvé pourquoi les anciens orientaient les cernes sur quartier eh bien voilà un élément de réponse... (enfin je suppose )
La fente n'a pas l'air très grave et je pense simplement la stabiliser pour le moment.