Ce pas à pas présente un projet en cours de réalisation.
Bonjour à tous,
Je vous propose de partager ici mon exploration du "dévers" en charpente.
Je suis charpentier de métier mais n'ai pas eu l'occasion d'aller, dans mon apprentissage théorique, au-delà du niveau CAP.
Passionné et fasciné par le trait de charpente, je souhaite pousser un peu plus loin mes connaissances, via une série de maquettes de difficulté croissante, sur le thème du dévers.
On parle de dévers pour une pièce qui, de par son orientation dans l'ouvrage fini, n'a pas de face aplomb (une face alignée à un plan vertical).
Etant novice sur ce sujet, j'invite toute personne mieux informée que moi à me faire savoir si une erreur ou une imprécision se glisse dans mes propos.
Oui on pourrait le faire avec des maths, oui c'est rarement approprié dans le contexte économique et technique actuel (je suis bien placé pour le savoir), ce pas à pas s'adresse à ceux qui sont tombés sous le charme du Trait et font cela pour le plaisir de l'art.
Il s'adresse par ailleurs à ceux qui sont familiers avec les concepts de base utilisés en trait de charpente, que je ne détaillerai pas ici, cela a déjà été fait très rigoureusement par sylvainlefrancomtois dans son pas à pas sur l'arêtier.
Pour ce qui est du vocabulaire employé, je vous invite à consulter la riche bibliographie conseillée par dneis dans les commentaires ci-dessous.
Bien à vous,
Jessy
Liste des articles
Comprendre le principe : arêtier à dévers lattis
Le but est de commencer au plus simple, s'imprégner de la méthode avant d'aller chercher trop compliqué.
Le sujet le plus simple que j'ai pu trouvé : un arêtier à devers faisant lattis avec un des versants, et venant contre un poinçon (nous ne traiterons pas ici du couronnement).
Je ne donne pas de côtes, elles n'ont pas d'importance, on veut juste faire de la recherche de coupe et comprendre l'idée.
Une vue globale de l'épure pour commencer. Pour la prochaine je ferai des photos à l'avancement et d'avantage d'annotations, mais là il n'y a pas trop de traits, on devrait s'y retrouver!
On commence par tracer notre vue en plan : les deux sablières, le poinçon et l'arête formée par la rencontre des deux versants.
On trace ensuite l'élévation de l'arêtier (ici en vert) puis sa vue par bout.
Pour la vue par bout, on procède de manière classique en créant un plan de coupe (perpendiculaire à notre pièce) que l'on rabat au sol.
C'est ici que l'on choisit l'implantation de notre pièce, en l'occurrence à devers.
Dans notre cas, on a dit que l'arêtier faisait lattis avec un versant, c'est donc ce versant qui détermine la première face. On trace alors une ligne d'équerre à cette première face et passant par l'arête, voici la deuxième face de notre arêtier vu par bout.
On prolonge jusqu'à croiser la ligne de sol de notre vue par bout, puis de cette intersection, on renvoie au croisement des sablière (le point bas de notre arête).
On obtient alors le fameux "devers de pas" en plan, et les deux premières face de notre empreinte au sol (la première étant confondue avec la sablière car notre pièce fait lattis).
On peut alors tracer les deux autres faces de notre arêtier vu par bout, toujours d'équerre et selon la section choisie (hachuré orange). Comme précédemment, on prolonge jusqu'à croiser la ligne de sol de notre vue par bout, puis, de cette intersection, on renvoie parallèlement aux premières faces de notre empreinte au sol. On obtient l'empreinte au sol complète de notre arêtier (hachuré rouge)
Nous pouvons maintenant matérialiser notre arêtier complet (ici en rouge) sur la vue en plan, compléter l'élévation en y faisant figurer toutes les arêtes, et le gros du boulot est fait.
Le reste n'est que renvoi des plans de coupe de la vue en plan vers l'élévation , en faisant gaffe de ne pas se mélanger les pinceaux. On obtient ainsi coupe de pied et engueulement, rien de nouveau comparé à un arêtier "classique".
Dernière étape, il faut depuis l'élévation faire pivoter l'arêtier sur lui même de manière à ce qu'il ait une face parallèle au sol, on peut ainsi présenter notre bois et rembarrer.
Et c'est là que la magie opère! j'ai personnellement du mal à visualiser cet engueulement de tête, mais il suffit de faire confiance aux traits, on coupe, on présente et.... ça fonctionne!
Au final rien de bien compliqué pour ce premier sujet mais c'est le but, on va pimenter au fur et à mesure! Merci de m'avoir lu!
Un cas concret : le noulet.
Bonjour à tous,
Poursuivant mon exploration du dévers, je vous propose aujourd'hui de tracer et tailler un outeau (lucarne de forme triangulaire), et en particulier ses deux noulets.
On appelle "noulets" les pièces situées à la jonction du versant principal et du versant de la lucarne.
C'est l'une des situations dans lesquelles le dévers est encore fréquemment utilisé de nos jours.
Il existe plusieurs manières de concevoir cette pièce de bois.
Jusqu'ici, lorsque j'ai eu à tailler des lucarnes, j'ai toujours positionné mes noulets faces aplomb, avec un rencreusement sur le dessus (et parfois délard en dessous), c'était pour moi le plus simple. A chaque fois cependant, ma curiosité insatisfaite me poussait à essayer un jour de le faire à dévers.
De plus, cela fait plusieurs fois que l'on me conseille d'utiliser la herse (plutôt que le rembarrement) pour gagner en vitesse et en précision.
Qu'à cela ne tienne, voici donc le programme du jour : tracer et tailler un outeau avec noulets à dévers en utilisant la herse.
Comme d'habitude, on commence par tracer une vue en plan, de face, de côté et une élévation du noulet.
Nous souhaitons poser les noulets sur le long pan, et qu'ils fassent lattis avec le outeau.
Sachant cela nous pouvons tracer la vue par bout de notre noulet (en rouge), puis son dévers de pas (en bleu), en suivant la même méthode que pour l'arêtier.
C'est ici qu'intervient la nouveauté : plutôt que de renvoyer mes plans de coupe sur l'élévation du noulet, je veux trouver mes coupes par la herse.
Je commence donc par tracer la herse du versant du outeau (en vert). Celle-ci me donne immédiatement mes coupes d'alignement en tête et pied de noulet.
Petit bonus : l'angle de ma coupe alignement en pied de noulet est également l'angle de ma coupe alignement d'empannon!
Je vérifie plusieurs fois en me disant "ça peut pas être si simple". C'est pourtant bien ça. On comprend tout de suite le gain de temps et précision, on vient de trouver trois coupes en seulement trois traits!
Il nous faut maintenant trouver la coupe aplomb à la rencontre de nos deux noulets.
Pour cela, la coupe recherchée se situant sur la face à dévers, nous allons devoir tracer la herse de notre dévers de pas, et donc son chevron d'emprunt.
Pour ce faire la méthode est toujours la même : tracer une droite d'équerre à la sablière (ici représentée par notre devers de pas) et passant par notre point de raccord. Tracer ensuite une seconde droite d'équerre à la précédente et toujours passant par le point de raccord. Placer ici la hauteur de couronnement, puis relier à la base , voici notre chevron d'emprunt du dévers de pas (en bleu).
Nous pouvons alors rabattre ce versant en herse, la sablière (ligne charnière) étant notre devers de pas, et la vraie grandeur étant simblotée depuis notre chevron d'emprunt.
Bien que nous ne l'utilisions pas de le cas présent, à noter que obtenons alors sur la herse notre coupe de niveau (en pied de noulet, dans le cas ou ce dernier viendrait poser sur une sablière).
J'ai choisi dans mon cas de couper les pieds de noulets à la face de la lucarne. N'arrivant pas à tracer cette coupe, j'ai du faire quelques essais et cogiter un bon moment avant de comprendre que mon autre face faisant lattis, la coupe recherchée était en fait tout simplement une coupe d'équerre!
Reste la coupe de tête avec une petite subtilité: nous souhaitons couper nos pièces non seulement d'aplomb mais également suivant l'axe du faîtage. Pour trouver le bon angle, il convient donc de tracer ce plan de coupe sur la herse. On l'obtient en reliant notre point haut à la rencontre entre l'axe et le sol (le dévers de pas). On peut alors relever l'angle de notre coupe aplomb.
Concernant les empannons, ce sera on ne peut plus simple : nous connaissons déjà grâce à la herse notre coupe alignement. L'autre face est simplement coupée d'équerre, puisque notre noulet fait lattis avec ce versant (la logique commence à rentrer!). C'est ici un des avantages d'avoir positionné notre pièce à dévers.
On est prêt pour tracer les bois et vérifier que cela fonctionne comme prévu!
Pour conclure :
Un sujet qui pour mon petit niveau a demandé un peu de réflexion, cependant une fois la logique assimilée il n'y a pas de difficultés particulière, et j'ai le sentiment que cela démultiplie le champs des possibles.
Je suis complètement convaincu par l'utilisation de la herse pour la recherche de coupe : moins de traits = gain de temps, gain de lisibilité, et moins de chances de cumuler les imprécisions.
A bientôt pour la suite,
Cordialement,
Jessy.
Ce pas à pas présente un projet en cours de réalisation.
Discussions
Belle initiative, pour ma part je suis venu au trait par l'escalier, le debillardé et paradoxalement je me débrouille mieux avec du "tordu" qu'avec des bois droits
Merci! Le tordu reste encore assez flou pour moi, mais j'ai la ferme intention de m'y mettre! J'ai été vraiment impressionné par tes études sur les mains courantes!
"Pour la prochaine je ferai des photos à l'avancement et d'avantage d'annotations, mais là il n'y a pas trop de traits, on devrait s'y retrouver!"
Moi ça m'a presque fait mourir de rire !
Blague à part, c'est un monde qui me paraît tellement loin que ça en apparaît magique. Ça doit être à peu près ça qu'éprouvaient les gens quand on a découvert l'électricité. Mais je crois que je finirai par m'y mettre un jour, rien que pour le plaisir de faire des petits traits. Merci de ce partage qui attise une flamme chez moi !
Edit : j'ai quand même regardé un peu plus attentivement et je commence à voir des formes qui se dessinent ! C'est vraiment magique
Alors oui ça peut sembler un peu inaccessible mais c'est loin d'être le cas, je suis sûr qu'avec quelqu'un à côté de toi pour t'expliquer, en 1/4 d'heure tu as compris le principe!
Pour les formes qui se distinguent, tu peux voir en rouge l'arêtier vu de dessus (en charpente on dit "vu en plan"), et en vert l'arêtier vu de côté (on parle alors d'"élévation")! bonne journée
Ce sera une bonne source d'exercice. Merci pour cet effort.
Si je peux me permettre une remarque, ne venant pas de la charpente, une difficulté que j'ai eu en lisant les ouvrages des deux ours, c'est le vocabulaire propre à la charpente : dévers, lattis, couronnement, coupe de pied, engueulement, face aplomb... je ne suis jamais bien certain de comprendre tous ces termes. Est-ce que tu as un ouvrage (si possible en libre accès) où on peut trouver des définitions simples ou est-ce que tu peux nous en donner ? En cherchant dans
Je suis tombé sur cet ouvrage, qui est désormais disponible en pdf à l'initiative de dneis (merci à lui!):
On doit pouvoir y trouver une bonne partie des termes utilisés ici!
Comme j'aime bien l'ouvrage d'Emy, je le conseillerais pour aller y chercher les termes inconnus. Aller chercher dans le texte, il y détaille beaucoup de choses au fil du texte (et les termes nouveaux ou importants sont en italique). Et les planches sont magnifiques.
Olset est bien aussi (et les illustrations sont dans le texte)
Mais en fait, je ne sais pas si on trouve les définitions dans un ouvrage. Les notions apparaissent généralement au fur et à mesure du texte et on les comprend alors dans le contexte...
dneis Merci, je vais parcourir ça avec ce point en tête.
Pour compléter:
eyrolles.com/B...-9782357720312/
fr.wikipedia.o...de_la_charpente
tcaz.fr/charpe...ique-charpente/
Aller voir aussi du côté d'Eugène Viollet-le-Duc
fr.wikisource...._au_XVIe_siècle
Et je viens de retrouver sur mon ordi le document suivant, fort utile et qui te plaira Atelier Eustache
Et enfin, aller voir le tome 2 de Jamin, il y a un dictionnaire à la fin
Bonjour, merci pour ton commentaire.
Je n'ai pas d'ouvrage spécifique à conseiller, en revanche je trouve vraiment dommage que des gens intéressés par ces techniques soient arrêtés par le vocabulaire. Les mots restent des mots, c'est les idées derrière qui nous intéressent. Je vais regarder ce que je peux trouver dans mes cours, je pourrais peut-être créer ici un petit lexique.
Je me penche sur la question. bonne journée
Ce serait merveilleux, merci !
Salut!
J'aime aussi beaucoup le trait, en amateur.
Je vais lire avec attention ton pas à pas!
Je ne connaissais pas ce procede pour trouver le devers de pas mais c'est logique.
Tu travailles au rembarrement mais as tu prevu de developpé la herse? Je trouve ça plus précis et moins chargé en trait.
Hate de voir la suite! Bravo c'est tres agreable a lire!
Merci! Oui j'ai cru comprendre que j'avais tout intérêt à pratiquer la herse pour des sujets plus complexes, je suis en train de m'y pencher!
Bravo pour ce sujet !
Il y a une autre méthode de le tracer par la vue par bout et la herse :)
Pour ce qui est "oui c'est rarement approprié dans le contexte économique et technique actuele", je trouve qu'on l'utilise encore beaucoup !
On utilise souvent les chevrons chanlattés pour économiser une grosse section d'âretier.
Merci beaucoup!
Je ne parlais pas tant du dévers mais plutôt de la recherche de coupes à l'épure.
Personnellement il m'arrive de tracer une épure rapide (par exemple pour un noulet de jacobine) pour trouver une coupe, mais dans les boites où je suis passé ce n'était pas le cas. Quasi systématiquement on disposait de plans de taille faits à l'ordi par le BE, avec angles machine et toutes les côtes.
On s'en fout des machines on veut du traiiiiiitttt
Bonjour,
"La Théorie est un Trésor, dont la Pratique est la clef !"
Bon courage.... bonne persévérance...
Bonjour,
Bravo pour ton initiative, de plus tes épures sont propres et les explications claires.
Pour la herse de dévers de pas, tu peux t'épargner de faire son élévation car tu connais déjà la longueur de l'arête depuis l'élévation du noulet puis sa herse. Tu dresses alors une perpendiculaire à ta sablière de devers de pas passant par le point haut, comme pour faire ton axe d'élévation, puis tu la fait croiser en simblotant la longueur de l'arête depuis le croisement des sablières. Cela ne te fait gagner qu'une étape, mais t'évite de dresser une perpendiculaire supplémentaire et ses risques d’imprécision associés et te fait également moins de traits.
Séverin
Bonjour,
En effet je n'y avait pas pensé, mais c'est encore mieux, merci beaucoup pour le conseil!