Dans la lignée des différents pas à pas de reconversion présents sur notre site préféré, je prends la suite de sixela (voir De l'octet au tranchet) pour vous conter mon aventure.
Avant d'entamer, voici quelques pas à pas sur la reconversion professionnelle qui m'ont donné envie d'écrire ici :
Liste des articles
Un petit peu d'historique
Aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours rêvé d'un monde meilleur, plus égalitaire et respectueux de chacun et chacune. D'une certaine manière, c'est cette envie de participer à l'amélioration du monde qui a guidé mes différents choix de vie.
Tout d'abord, j'ai fait un Bachelier en Automatisation (équivalent Bac+3). Je rêvais que les machines travaillent pour nous et que les richesses créées puissent être réparties équitablement entre les humains de cette planète, qu'on puisse travailler moins et vivre plus. (Qui a crié "Utopiste!" dans le fond ?) C'était bien avant de comprendre que l'industrie appartient à quelques uns, bien décidés à garder les profits pour eux... Et bien avant de comprendre qu'on doit se diriger vers plus de simplicité si on veut éviter à nos enfants de vivre dans une cocotte-minute.
Après la réussite de mes études, j'ai travaillé dans une grosse boite comme automaticien. J'y ai surtout fait de l'informatique... C'est à cette époque que j'ai approfondi ma connaissance des logiciels libres, de Linux et de l'impact potentiellement émancipateur des technologies libres grâce, entre autres, à Framasoft.
J'ai finalement tenu 3 ans là avant de partir pour un an de maraîchage bio. J'y ai découvert énormément de choses et j'ai aimé plonger mes mains dans la terre et récolter des légumes et fruits savoureux, vendus au marché le jour même. Une belle approche du travail physique et un beau retour à l'essentiel! Malheureusement, ce n'était pas un travail très rentable et j'ai fini par retourner à l'informatique. Trois nouvelles années dans un bureau, à me convaincre que c'est "pas trop mal". Après deux ans, le manque de concret est devenu trop dur et j'ai acheté mes premiers outils en septembre 2019 et entamé un premier maillet à partir d'une bûche de sapin.
J'ai continué à expérimenter deux trois petites choses et à beaucoup rêver de bois. J'ai acheté un premier lot d'outils à main en mai 2020. L'aventure continue. J'apprends tout doucement. Je m'essaye à l'affûtage de ces nouveaux outils. Je sculpte quelques personnages au couteau. Je passe beaucoup de temps à rêver sur youtube.
Le 5 octobre 2020, je suis licencié de mon travail d'informaticien. La pandémie de covid est passée par là... Après avoir tout d'abord cherché un nouvel emploi dans l'informatique malgré un manque de motivation, c'est au détour d'une conversation avec un ami que je réalise que, ce qui me donne vraiment envie, c'est de travailler le bois!
Le samedi 23 janvier 2021, je regarde la liste des métiers en pénurie en Belgique. Le métier de menuisier en fait partie. Après quelques jours d'intenses réflexions, j'en parle à ma chère et tendre qui m'encourage. Quelques recherches m'orientent vers la formation entrepreneur menuisier à l'IFAPME.
C'est la toute première étape!
Administration mon amour
Choisir ce qu'on veut faire, c'est un point de départ indispensable. Mais mettre les choses en place pour y arriver peut parfois s'avérer plus compliqué que prévu.
Reprenons où nous en étions. Au moment où je décide de me reconvertir dans le travail du bois, je suis au chômage depuis un petit mois. La formation où je veux m'inscrire ne débute pas avant septembre 2021 et il y a un paquet de choses à faire avant cela!
- Les papiers. Il faut que j'obtienne une dispense du chômage, indispensable pour pouvoir me former tout en gardant un revenu suffisant. Il y a bien une indemnité de stage mais ça n'est clairement pas suffisant. Sans cette dispense, ce n'est même pas envisageable.
- M'inscrire à l'école. J'ai appelé début février, on m'a dit que je devais attendre fin mai avant de pouvoir m'inscrire... Il ne faut pas être pressé. Moi qui espérait pouvoir déjà avoir accès à certains cours et/ou être élève libre pour voir comment ça se passe...
- Trouver un stage. Je ne connais pas d'artisans dans mon coin, c'est une étape qui me stresse un peu. Il faut trouver la bonne personne et la convaincre de nous prendre comme stagiaire.
Ce qui est génial avec tout ça, c'est que chaque élément a besoin des autres pour avancer. J'ai besoin d'être inscrit à l'école pour pouvoir commencer un stage. Mais j'ai besoin de trouver un stage pour pouvoir introduire la demande de dispense. Et j'ai besoin de l'accord pour la dispense pour commencer un stage...
J'ai finalement contacté plusieurs entreprises proches de chez moi. J'ai eu une réponse rapide et j'ai commencé par 15 jours de MISIP (Mise en situation professionnelle) en mai 2021. Le MISIP a l'avantage de ne pas nécessiter de dispense (puisque c'est organisé directement via le FOREM) et ça m'a permis de me conforter dans mon choix.
J'ai pu m'inscrire à l'école dans la foulée. Et le patron rencontré pour le stage de 15 jours étant d'accord de me prendre en stage, j'ai entamé les formalités pour demander la dispense. Je vous passe les galères administratives (Si ça intéresse quelqu'un, je peux expliquer en détail...Papier par papier...) mais il m'a fallu plus de deux mois pour réussir à obtenir l'accord de commencer le stage.
La formation IFAPME
À mon sens, l'intérêt principal de la formation que je suis, c'est les stages en entreprise. Pendant trois ans, je suis quatre jours par semaine en entreprise et un jour à l'école. Les stages représentent le gros morceau de la formation technique. (Peut-être que je changerai d'avis d'ici la fin de la formation, notamment par rapport aux cours de gestions qui doivent être très intéressants!)
Malgré le peu de temps que nous passons à l'école (à peu près 40 jours par an), on y a apprend pas mal de choses. En première année, nous apprenons notamment :
Les bases du travail à la main avec réalisation de différents assemblages (mi-bois, tenon-mortaise, tenon-mortaise traversant, ...). Nous avons même eu l'occasion de faire quelques queues d’arondes!
Découverte des machines principales de l'atelier (dégauchisseuse, raboteuse, scie à ruban, toupie, mortaiseuse, panneauteuse/scie à format, ...). Ici encore, j'ai envie de préciser que c'est surtout lors de la pratique en stage que les bonnes habitudes se prennent
Le placement d'un châssis.
Le placement d'une porte.
Les rudiments du dessin technique.
L'isolation des bâtiments.
En règle générale, j'ai envie de dire qu'on voit à l'école les bases sur beaucoup de choses. Je regrette parfois qu'on ait pas le temps d'aller plus en profondeur sur de nombreux sujets. J'aimerais qu'on soit plus orientés vers des livres de référence pour aller plus loin. (Une bibliothèque à l'école sur le travail du bois, ça serait génial!) Heureusement qu'il y a l'air du bois pour assouvir ma curiosité!
(Ajout après la fin de la formation:)
Je confirme mon impression générale du début sur le fait qu'on aborde pas mal de choses mais sans aller très en profondeur. J'aurais aimé aller plus loin sur tout ce qu'on a vu, avoir des livres de références pour creuser les sujets, etc.
La troisième année, orientée gestion commerciale et gestion d'entreprise, a été très intéressante. C'est tout une partie du métier que je ne connaissais pas et qui est vraiment importante également.
Premier stage
Sans compter les 15 jours de MISIP, j'ai vraiment commencé mon premier stage en juillet 2021, après deux mois de galères administratives. Autant vous dire que j'étais plus qu'impatient et excité le premier jour!
J'ai passé un peu plus d'un an dans cette entreprise où nous étions deux, le patron et moi. Nous avons principalement fait de l'aménagement d'intérieur donc beaucoup de caissons et (trop) peu de bois massif. J'ai appris à utiliser pas mal de machines (panneauteuse/scie à format, scie plongeante, lamello, Zeta P2 (clamex), défonceuse, visseuse...) et je me suis familiarisé avec pas mal de choses. (Je vous aurais bien montré quelques photos de projets qu'on a réalisé mais il m'a demandé de ne pas partager de photos.)
Je suis passé par beaucoup de choses cette année. De l'émerveillement pour chaque nouvelle chose et chaque apprentissage, du plaisir à réaliser des belles choses et à essayer de faire tout avec un haut niveau d'exigence mais aussi une certaine désillusion. En effet, la "vraie" menuiserie, actuelle, est bien loin de youtube (sans déconner!). Les outils à main ont une place bien moins importante que celle que j'avais imaginé et on dépend beaucoup de gros fournisseurs (quincaillerie, panneaux, ...). J'ai accepté cette réalité du métier mais j'espère en mon for intérieur pouvoir trouver des solutions pour laisser de la place dans ma pratique quotidienne aux outils à main et au vrai bois local issu de forêts gérées durablement.
Après un an, j'ai eu besoin de voir autre chose et je suis parti.
Deuxième stage
Le 3 octobre 2022, j'ai entamé mon deuxième stage. Je les ai contacté car ils font de la menuiserie et de l'ébénisterie, ce qui -à mon sens- est un bon moyen de voir des choses différentes et d'élargir mes perspectives.
Je passe d'une petite entreprise où nous n'étions que deux à une entreprise plus grande et plus organisée où nous sommes 9 au total. L'organisation est différente, évidemment. Il y a une grande CNC et des plans dessinés à l'ordinateur. L'équipe est chouette et je prends plaisir à apprendre de chacun. Jusqu'ici les choses se passent très bien et je suis très content de ce que j'y apprends. Il y a toujours des caissons et de l'aménagement intérieur à faire mais je touche du bois massif presque tous les jours!
Le 9 novembre, j'ai assemblé avec les autres mon premier escalier! Un deux quart tournant en chêne massif! J'ai hâte de voir les prochains projets qui vont arriver.
Au final, j'ai passé plusieurs mois dans cet atelier. J'y ai appris pas mal de choses. En février 2023, le patron a mis fin à mon stage pour raisons économiques (trop peu de projets...).
Troisième stage
Après la fin du deuxième stage en février 2023, j'ai trouvé un nouveau stage en mars. À nouveau un atelier plus grand avec deux patrons associés, deux ouvriers et deux stagiaires.
J'ai appris pas mal de choses, notamment l'utilisation d'une CNC verticale, un peu d'ossature bois, une petite charpente, une formation nacelle, des meubles avec leds, niches et plein de détails... Les deux patrons cherchent un travail de qualité et plutôt du haut de gamme.
L'aventure s’arrête début octobre 2023. Malgré tous mes efforts, je ne parviens pas à suivre le rythme. Je fais des erreurs d’inattention un peu trop fréquemment. Ils me disent que je les ralentis... (C'est à cette période là que je réalise que j'ai un TDA (trouble de l'attention) qui explique beaucoup de choses.)
Et en parallèle des stages ?
En plus de la formation, des stages et de la vie de famille, j'essaye de continuer à apprendre sur le côté. Je lis pas mal. Autant que possible ce que vous racontez sur l'Air du Bois mais aussi quelques bouquins, notamment sur les ouvrages de Lost Art Press. Je regarde encore quelques vidéos youtube (pour rêver et/ou apprendre).
J'essaye d'aménager petit à petit mon garatelier pour qu'il soit fonctionnel quand j'ai une ou deux bricole à faire. Je prends un peu de temps pour restaurer mes outils et apprendre à les utiliser. Tout avance doucement, mais ça avance.
J'ai aussi participé à plusieurs stages à La Gaumette. J'ai participé à une journée sur l'affûtage, un stage sur la sculpture de cuillères et un stage sur la menuiserie non mécanisée.
J'ai envie de participer à un groupe d'échange sur tous ces sujets, j'en ai déjà un peu parlé dans une question mais je manque un peu de temps libre pour lancer les choses sérieusement.
Je me suis également équipé progressivement en outils électroportatifs (défonceuse, scie plongeante, ...) et j'ai fabriqué mon établi.
La suite, les rêves et les objectifs
Après la fin de mon dernier stage, en octobre 2023, j'ai décidé qu'il était temps de faire les choses à ma manière. La formation n'était pas finie mais j'avais accumulé assez d'heures de stage pour la valider. De plus, les diplômes de menuiserie étaient déjà acquis (avec la réussite de la deuxième année de formation, la troisième étant dédiée à la gestion).
J'ai donc décidé de lancer mon activité en passant par la Smart. La Smart est une entreprise partagée. Je profite de leurs outils de gestion, de leurs conseils et de tout un tas d'autres choses en échange d'un pourcentage de l'argent qui rentre dans mon activité. C'est ainsi que Mes Beaux Copeaux est né !
J'ai démarré vraiment en février avec les premières commandes de matériel pour le premier projet (Une cuisine! Le premier meuble est décrit dans un pas à pas :
). J'ai terminé ma formation. J'ai fait une mission informatique d'une quinzaine de jours. Et j'avance progressivement. Je mets des choses en place pour m'organiser dans mon petit garatelier. Actuellement, je commence à faire un peu plus de communication pour trouver des clients.L'objectif actuel est de pérenniser l'aventure tout en trouvant le subtil équilibre entre la vie professionnelle et la vie de famille. Je crois que ça passe par la recherche d'une organisation efficace et d'une taille d'activité raisonnable.
J'aimerais beaucoup travailler avec du bois local pour des clients proches de chez moi. Ma prochaine cliente habite d'ailleurs ma rue.
Ce pas à pas me semble terminé. Il est possible que j'en commence un deuxième pour parler de l'aventure Mes Beaux Copeaux.
Discussions
Super ce partage !
Merci :-)
Bonjour,
l'autobiographie d'un boiseux naissant…
On commence à comprendre le sens de sa vie dès la première question qu'on se pose sur ce que l'on fait.
Merci!
Ça fait longtemps que je me pose des questions... Pour autant, je me sens parfois très loin des réponses. Ça viendra sans doute!
Merci pour ce partage, tu me fais rêver par procuration :)
Avec plaisir! C'est là pour ça. Et pour combler mes trous de mémoire!
Nickel tout ça, c'est plus que bien avancé. Bonne continuation, c'est super comme formation !
Il reste beaucoup de questions et d'interrogations. Certains jours je suis confiant et pressé d'être au bout de la formation pour lancer plein de projets et d'autres jours, je suis tout flippé.
Artanux ah ben c'est normal ça. Et puis c'est que ça te tiens à coeur, c'est bon signe.
trente six seb : Je pense qu'on peut dire que ça me tient vraiment à cœur, en effet. J'y vois une opportunité de continuer ma vie professionnelle en m'alignant sur mes valeurs.
Et plus j'avance, plus j'aime le travail du bois.
Artanux
Excellent et beaucoup de plaisir à toi dans cette nouvelle aventure. J'aurait pu écrire quasiment le même texte... Je suis en deuxième année à l'IFAPME de Charleroi. Je regrette quand même le caractère très léger, superficiel de la formation. Les profs s'y connaissent, mais cela manque de structure, d'ambition en terme de qualité de travail.
Je suis à Perwez et j'ai eu pas mal de contacts avec certains à l'IFAPME aux Isnes (Gembloux). Même constat...
L'organisation est souvent compliquée et je trouve aussi qu'on pourrait aller beaucoup plus loin. Hier j'avais examen "préparation d'un bloc porte" (entaillage des charnières, préparation des ébrasements, etc.) et nous n'avions pas de vis assez petite pour fixer les charnières dans les ébrasements sans passer au travers.
Le prof a déjà demandé plusieurs fois apparemment. Souvent il vient avec ses propres vis. Ça pourrait vraiment être amélioré par beaucoup de petites choses.
Top ! Le parcours est bien entamé !
Plus j'avance et plus je prends conscience de tout ce que je ne sais pas. C'est une phase normale (voir l'effet Dunning-Kruger) que je compte bien traverser au bulldozer.
Parfois j'aimerais avoir un atelier et du temps à disposition et juste "tenter de faire des trucs". J'apprends aussi en tant que stagiaire, évidemment, mais j'aimerais avoir plus l'occasion de tester des trucs.
Artanux quand on est sur la bonne voie et qu'on arrive à lâcher prise (pas forcément évident !) plein de choses se mettent en place d'elle même.
Oh mais j'arrive parfois à lâcher prise... Un bref instant.
Je suis convaincu que tu as raison, j'y travaille.
Holà compatriote ! Je te souhaite une belle aventure pour cette reconversion ! Je suis passé par l'étape "mais il est où le bois ?" en menuiserie aussi.
Salut Nairod !
Je n'avais pas réalisé que tu es également belge.
Ton message me rassure parce que tes réalisations sont presque toutes en massif maintenant! Comme quoi, il y a moyen!
Sympa de voir un autre pas à pas sur le même sujet! J'y retrouve des similitudes avec ce que je vis au quotidien!
Merci de partager, je sais que c'est chronophage!
Hâte de lire la suite
J'ai remis un peu d'ordre dans ce pas à pas. La formation est terminée et une nouvelle aventure a démarré. :-)
Artanux
Bonjour l'Utopiste
Je suis sur que tu connais par cœur les parcours de
-JEAN BAPTISTE ANDRE GODIN
-DE HYACINTE DUBREUIL
....
....
Et combien d'autres
Et bien sûr ce qui reste de leur œuvres
A part de la nostalgie. Je n'ai rien trouvé.
Je ne connais pas, je vais me renseigner de ce pas !
Artanux et bien sur le célèbre Charles Fourrier
Tres belle histoire a lire, qui donne envie d'en savoir plus sur les prochaines annees a venir !
Tous mes voeux de reussite et d'encouragement !
Merci :-) Moi aussi je suis très curieux de voir ce que l'avenir réserve. Un jour à la fois.
Tu es bien courageux et motivé et c’est ce qui compte !
Je suis persuadée que d’avoir eu différents maîtres de stage sera ta force
Quelle différence avec ma formation de restauration de mobilier à l’IFAPME de Limal. (2016 à 2019)
Nous avions un max de cours 4 jours semaine (théorique et pratique) en présentiel et seulement 250h de stage à effectuer durant la deuxième année.
C’est vrai que le but était de créer sa propre entreprise. (Mais ce n’était pas le mien car trop âgée )
J’ai aussi une belle collection d’outils anciens. On est presque voisins, alors n’hésite pas à me contacter si besoin.