Scie Disston modèle 16 – "acier ressort" ou "fondu raffiné" (l'appellation dépend du catalogue,) dos droit, pointe étroite, poignée en pommier sculptée. 26 pouces (66 cm) de denture (la taille la plus commune, qui me convient parfaitement.) La « label screw » est celle de la période 1896-1917. Cette label screw est plus petite que sur la 112 présentée là ; correllé par la liste des vis dans le catalogue du fabricant.
En retirant les vis (pour démonter la lame et m'occuper de chaque élément à mon aise,) j'ai éclaté les lèvres des trous, qui étaient (devenues ?) d'un diamètre inférieur à celui de la tête de vis.
Les écailles de bois étaient à peine solidaires du reste, et j'ai pris grand soin de n'en décrocher aucune. J'ai glissé de la colle de peau de lapin dessous, et j'ai mis sous presse.
Pour contrôler si la poignée était recouverte de vernis, j'ai appliqué de l'huile de lin sur une région de bois de bout de la poignée. S'il y avait du vernis, le bois n'absorberait pas l'huile.
Il s'est trouvé qu'il n'y avait pas de vernis, (à l'exception des petites écailles du vernis original çà et là.) J'ai laissé la patine et les petites traces de peinture, et je n'ai que poli aux copeaux et huilé à l'huile de lin.
Puis j’ai nettoyé la lame. Je n’utilise pas d’abrasif pour cela. (Jamais sur l’acier, de manière générale.) Obtenir un beau fini au papier abrasif prend beaucoup de temps, je n’aime pas l’idée d’altérer la surface laminée, et je préfère de très loin mon acier noirci par l’oxydation et la rouille plutôt que poli. Il y a une « vénérabilité » dans les traces que le temps, l’usage (et la négligence...) laissent sur les outils, que je ne détruirai que si les performances de l’outil l’exigent.
J’ai utilisé un racloir à mastic et de la laine d’acier. Avec le racloir, je retire les croûtes de rouille et de crasse. Tant que j’y vais soigneusement, comme le racloir est moins dur que la lame, je ne peux pas faire de rayures. Puis la laine d’acier moyenne retire la rouille superficielle, et enfin la laine d’acier extra-fine retire les dernières traces de rouille et de crasse et donne un « poli » (sans retirer de matière) comme la laine d’acier moyenne ne sait pas le faire. Puis une couche d’huile de lin, et je retire soigneusement tout l’excès pour éviter la formation d’une pellicule collante. À la fin de la réhabilitation, j’enduirai la lame d’un film d’huile de pied de bœuf ou de suif.
La lame avait deux plis, l'un tout au bout, et l'autre en haut du dos, à un tiers de la longueur. Le second pli faisait que la lame était voilée.
Pour m'entraîner à réparer le second pli, celui sur le dos, j'ai fait quatre plis similaires dans une mauvaise lame, en mettant sur le bord de la lame des coups avec le bout de la panne d’un marteau. Le résultat ressemble exactement au pli sur la lame Disston.
Pour corriger ces plis, j'ai utilisé le marteau montré ci-dessus à la manière d'un poinçon de forgeron. Je posais la lame sur un billot, l'endroit où j'allais frapper sur une partie plane ; je posais la panne juste sur le pli, côté convexe, et je donnais un coup d'un maillet en bois sur le marteau. Utiliser le marteau comme un poinçon plutôt que frapper avec permettait une précision parfaite.
Cette procédure résolvait le pli. Sur la mauvaise lame, je corrigeais le pli d'un petit coup de maillet ; sur la lame Disston, j'ai dû m'y reprendre à trois ou quatre fois.
J'ai utilisé la même méthode pour commencer à corriger le pli au bout de la lame.
Une fois ceci fait, il restait des irrégularités et des courbures plus étendues sur la lame. L'un des problèmes est qu'elle était voilée sur presque toute la longueur, indépendamment du pli sur le dos.
J'ai eu ce même problème sur d'autres lames, et je croyais l’avoir corrigé en martelant à froid sur un billot de bois, en tapant sur le côté convexe, sur toute la largeur de la lame, avec la table ronde et légèrement convexe d’un marteau genre américain. J’avais en effet réussi à remettre la lame droite ; mais je n’avais pas vu, sur le moment, que j’avais aussi mis une forte courbure transversale...
Ce n’est que des mois plus tard, en contrôlant les lames que j’avais « rectifiées, » que je me suis rendu compte du problème. Je n’avais pas noté de difficulté au sciage avec ces lames tordues dans la largeur, mais c’est probablement dû à ce que je les avais peu utilisées, que je n’avais pas beaucoup d’expérience des scies, et qu’elles étaient peu larges. Je tenais à éviter le problème sur la lame Disston.
J'ai constaté que pour corriger les courbures d'une lame, les uns plaçaient une enclume sous la lame, d'autres un morceau de bois. Chez Disston, ils faisaient le gros du travail sur une enclume, et fignolaient, tout à la fin, sur un bloc de gaïac. J’ai testé quatre supports différents, avec une lame martyre :
- Planche de chêne de fil posée sur un sol en béton ;
- Billot de charme de bout (posé dans l’herbe ou sur le béton, même résultat) ;
- Grand morceau de fer plat de 10 mm d’épaisseur posé sur un établi ;
- Enclume de forgeron lâchement fichée dans un billot sur un sol en béton.
En utilisant le même marteau, dont la table avait une courbure nette dans une direction et une courbure infime dans l’autre (pour, idéalement, ne courber le métal que dans un sens.)
Résultats :
- Sur la planche de chêne, ça redresse, mais il faut taper plus fort que sur le bois de bout ;
- Sur le billot, ça fonctionne, mais, comme sur la planche de fil, la lame se déforme nettement dans les deux sens, même avec une table de marteau convexe dans un seul sens ;
- Sur le fer plat posé sur l’établi, aucune déformation appréciable après deux rasades de coups, alors que sur le bois, la déformation était nette ;
- Sur l’enclume, ça se déforme peut-être un peu moins vite que sur le bois, et le problème de déformation perpendiculaire m’a semblé moins intense.
Marteler avec le marteau que j’avais était malcommode, car je devais tenir le manche parallèle à la déformation. J’ai décidé de me faire un « saw doctor’s cross-peen hammer, » un marteau exprès pour rectifier les scies, (mentionné aussi page 156/224 du livre de Claude Dalois,) qui me servirait pour celle-scie et toutes les autres à venir, à partir d’une tête de marteau de forme approchante.
Concernant les courbures des pannes, Jim Thode parle sur un forum de rayons de courbure de 5 et 30 centimètres. J’ai trouvé ça trop peu, et j’ai choisi le double : 10 cm de rayon pour la courbure transversale à la panne, et 60 pour la courbure longitudinale. (S’il se trouve que c’est trop, c’est facile à diminuer.) Je me suis fait un « gabarit à filament » en papier. J'ai coupé la courbure de 10 cm de rayon au cutter circulaire. Pour la courbure de 60 cm de rayon, j’ai utilisé un compas à verge sur lequel j’ai monté un tranchet.
(Il y avait beaucoup de métal à retirer. J’aurais aimé dégrossir à la scie à métaux, mais la lame ne mordait pas. J’ai donc retiré toute la matière sur le touret, en refroidissant très souvent la partie meulée dans un bol d’eau. Je contrôlais souvent la température avec la lèvre, (bien plus efficace que le doigt.) Ça chauffe infiniment moins vite qu’un fer de rabot, et à aucun moment la surface que je travaillais n’a été plus que tiède. J’ai affiné sur une meule à eau, et fignolé au moyen du touret à manivelle avant de polir un peu au papier abrasif. Faute de pouvoir limer, j'ai trouvé qu'un bon touret à manivelle était nettement plus efficace pour faire un travail précis que la meule à eau ou le papier abrasif.)
C’est sur l’enclume, (vieille enclume rouillée et pas plate, sur laquelle j’ai réussi à dégager une petite surface propre et très légèrement convexe pour marteler proprement,) que j’ai redressé la lame. J’ai fait comme l’explique Fof dans son pas-à-pas, en ne martelant que le dos et la denture pour éviter la courbure transversale adventice (que je contrôlais régulièrement.) Le résultat n’est pas parfait, mais d’après mon expérience, scier va changer un peu les courbures dans la lame, et je la remettrai bien droite après qu’elle aura bougé.
J’ai trouvé sur internet l’avertissement que marteler une lame de scie pouvait facilement gâcher la tension. Qu’est-ce exactement que la tension d’une lame de scie égoïne ? Je n’ai pas trouvé de réponse positive. Ron Herman dans une vidéo de Popular Woodworking (dont je n’ai regardé que l’extrait gratuit sur le site) affirme qu’une mauvaise tension conduit la scie à onduler facilement pendant le sciage, et qu’on établit la tension en étirant le métal juste au-dessus de la denture en martelant sur une enclume. Disston parle dans le « Handbook on saw » d’une lame « fast » ou « loose, » (« vive » ou « lâche, ») selon que la partie de la lame côté denture est plus longue que le dos ou l’inverse. Je verrai à l’usage si, après ce travail de rectification, la scie a des problèmes lors du sciage. Si c’est le cas, je pousserai les recherches, et martèlerait davantage, soit selon des informations vraisemblables, soit selon ma seule raison.
Puis nivelage des dents, reformage, avoyage au marteau, et affûtage.
Discussions
Hello !
Superbe boulot ! Merci pour toutes ces précisions
Tu sais où je pourrais trouver des nouvelles vis pour tenir la lame ? Il m’en faudrait pour une grande égoïne que j’avais trouvée en brocante
Lucien le Forestier J'ai le même problème pour une Disston n° 7 que je viens de récupérer. Je doute de jamais trouver un jeu de vis d'origine, alors je vais me débrouiller pour faire quelque chose de pas trop moche avec des boulons modernes, vis à tête bombée, écrou limé pour le bomber, &c. Autrement, tu peux acheter une autre vieille scie dont les vis sont bonnes et, de préférence, un poil plus larges, pour les mettre sur ta scie après avoir élargi les trous si nécessaire. Enfin, en cherchant "brass screws for saws" tu auras des options neuves.