Bonjour,
Je me doute que cette question fera certainement des émules (ça n'est vraiment pas le but...) ceci dit, j'aimerais exprimer mon point de vue au travers de mon expérience.
J'ai 24 ans et je travaille à mon compte depuis 2 ans comme menuisier en suisse. J'ai eu une formation de menuisier CFC ce qui implique 4 ans de formation en dual (école 1 jour par semaine + des semaines d'atelier à l'école une quinzaine sur 4 ans , le reste en entreprise avec formateur attitré)
Bien entendu, la passion m'a accompagné chaque jour et j'en ais aussi tiré un apprentissage substantiel.
Le fait est que, je me suis lancé et ça "a marché direct" je me suis donc lancé dans des boulots dont je n'avais pas toutes les connaissances à la base.
En résulte: malgré une volonté de "faire bien, dans les règles de l'art" il m'est arrivé de faire de mauvais choix, d'utiliser des matériaux non adapté etc...
En cette fin d'année, je me suis retrouvé à faire des tournées de SAV pour régler certaines choses sur des chantiers. Dans ces cas-là, c'est pour ma pomme mais les clients sont quand même embêtés.
J'observe une tendance non négligeable de personnes désireuses de se lancer et souvent sans beaucoup d'expérience.
Le risque à mon sens est de niveler le métier par le bas en dévalorisant le métier. (nouveaux artisans moins cher mais si nombreux que leurs prix sont bientôt la norme par ex, réputation des artisans globalement impactée par de plus en plus d'inexpérience sur les chantiers.)
Le bon dans tout cela est que ce métier est de plus en plus abordable pour des reconversions et découvertes de passion.
J'observe aussi que pour beaucoup, une reconversion puis une mise à son compte a très bien fonctionné comme en témoignent beaucoup d'entre vous.
- Finalement, est-ce bien raisonnable de se lancer si tôt? C'est une réflexion que je fait sur ma propre activité en tous les cas.
- Quels sont les facteurs non pas pour réussir (gagner sa vie, bénéfices, gloire et j'en passe) mais pour être honnête vis à vis des clients et de soi-même ?
5 réponses
Salut.
Je comprends ton questionnement, car je suis moi-même fraîchement diplômé et installé.
Il le semble qu'il y'a plusieurs points à voir.
Se lancer sans expérience, comme le dit Palissandre , si on est bon je vois pas le soucis.
Qu'un menuisier fraîchement installé ne sache pas tout faire est normal.
Je dirais que toutes les professions ont ce soucis. La disparité des propositions c'est aussi important.
Et là on touche au second point. Ce que l'on dit que l'on vend et ce que l'on vend vraiment.
Je crois que ce qui est INDISPENSABLE, c'est la franchise. L'honnêteté de la proposition.
Je ne vois aucun problème à proposer des prestations de niveau honnête mais pas fou, si le prix est en adéquation et le client au courant.
Je crois qu'il existe dans la tête des artisans, une image de leur métier fantasmé, reposant sur le travail des élites de notre profession.
Je l'assume, je suis menuisier inexpérimenté et à mon compte. Mes clients le savent. Et bien que j'aimerais avoir les mains d' etiennedesthuilliers ou celles de sylvainlefrancomtois , je ne crois pas qu'autre chose que le temps puisse me l'offrir.
Alors il est question de savoir si l'on doit travailler en entreprise un certain temps avant de se lancer en solo.
Probablement que ça aidera techniquement, mais pour le reste, la compta, la relation client, la créativité je crois que cela n'aide pas.
Tirer le métier vers le bas ? Quel métier ? Qui est le menuisier type ?
Je ne me sens pas enfermé dans un cadre qui me fera bosser du melaminé ou faire des cuisines. Suis-je menuisier tout de même ?
Au final je pose plus de ques Que je ne réponds.
La réponse est "non", clairement "non". De mon point de vue, il n'est pas raisonnable de se lancer sans expérience professionnelle. Mais, même si cela n'est pas raisonnable, cela n'empêche pas que ce soit le meilleur choix.
Je suis pile poil dans la situation, fraichement diplômé et le plus récemment installé du site (d'ailleurs en cours d'installation serait plus exact).
Mais, je suis issu d'une reconversion. j'ai choisi ce métier par amour du bois et de la fabrication, de l'artisanat en général. Dans ce créneau, il y a peu voire pas du tout d'emploi salarié dans ma zone géographique. Le plus proche que j'ai trouvé est à 50 km de chez moi, soit 100 km par jour / 500 km par semaine. Au prix du carburant, c'est pas rentable. Si je vais en salarié comme poseur, je progresserai en pose mais pas en fabrication.
Financièrement, même si ce sera certainement dur, j'économise mes 500 km par semaine, la perspective d'une rémunération nette identique devient largement plus plausible.
Mais ça ne suffit pas. Tous ceux qui se sont reconvertis ont eu d'autres expériences et ont une maturité qui peuvent leur être profitables (ou pas, ce n'est pas automatique non plus). Dans la gestion d'une entreprise, j'ai d'autres compétences qui sont également utiles. Ce qui est le cas de beaucoup.
Mais techniquement, il faut arriver à gérer les chantiers. Et là, je suis épaulé par un menuisier expérimenté pour lequel je vais faire un peu de sous-traitance et qui est près à transmettre de son savoir au fur et à mesure des chantiers. C'est lui qui m'a poussé à m'installer. J'ai pas ailleurs de bonnes relations avec l'ancien menuisier du village. Et également avec d'autres menuisiers (rencontrés notamment lors de l'acquisition de mes machines) et des profs du lycée. Et il existe d'autres réseaux. Certaines formations ou stages de certaines sociétés compagnonniques sont ouvertes à tous les gens de métier.
Je pense gérer le minimum : la sécurité sur une machine et la lecture d'un plan. A partir de là; la principale difficulté me semble être de travailler tout en étant rentable. Si je mets 2 fois plus de temps pour sortir un ouvrage, évidemment, je gagnerai 2 fois moins. C'est la principale difficulté à laquelle je travaille (je suis en train de faire des devis).
Techniquement, j'étudierai tous les projets qui me seront présentés mais je refuserai ceux pour lesquels je ne me sentirai pas capable de les mener à terme, sauf aide ponctuelle et appuyée de mes mentors s'ils me disent "vas y , c'est simple, je vais t'aider". C'est la seconde difficulté de mon métier : comment refuser un travail sans se griller commercialement.
Sur le plan des tarifs, je suis parti sur une base dans le marché ou légèrement en dessous : 35 à 40 €uros de l'heure. Impossible de facturer 2 fois plus cher sous prétexte que je travaille 2 fois moins vite. J'ai de la chance dans mon malheur : s'il y a peu ou pas d'emploi salarié, c'est que la concurrence est faible. Du travail, il y en a, je n'ai aucune appréhension sur ce plan. Du coup, je n'ai aucune raison de vouloir casser les prix. Déjà, je vais commencer en franchise de TVA, ce qui procure déjà une réduction au client et peut déjà être un avantage déloyal si on veut. Je ne souhaite pas faire plus.
Mais dévaloriser le métier, ça peut aussi être sur le plan technique bien sûr. Evidemment, je n'ai pas le choix, mon travail doit être irréprochable. Se dire menuisier alors que je n'ai jamais fabriqué d'escalier ? Oui, ça me gène. Et je me sens plus menuisier que Menuisier. (la différence c'est la majuscule). Mais on peut progresser, on peut s'en donner les moyens. Du moins je le crois et j'espère. Les livres et internet ne font pas tout mais malgré tout constituent une source de savoir formidable.
Les ressources d'un site tel que l'ADB et ses nombreux contributeurs sont extrêmement précieuses. En off, je discute pas mal avec des gens plus ou moins expérimentés sur plein de sujets. sylvainlefrancomtois (pour le citer, mais il n'est pas un cas isolé) explique parfois qu'il réalise de véritables coachings.
Evidemment, il faut être conscient que tout cela entrainera une progression plus lente qu'un parcours plus classique. Ce qui me désole, mais j'ai choisi la solution la moins pire.
Désolé pour le pavé mais pour résumer :
- non ce n'est pas raisonnable de s'installer sans expérience
- MAIS ça peut malgré tout être une bonne solution
- chaque cas est particulier, chaque situation présente ses inconvénients et ses avantages
- chaque artisan a ses qualités et ses défauts
- à un moment donné, il faut bien prendre sa vie en mains
Et pour résumer ce qu'il faut lire sur l'honnêteté :
- discuter avec les clients, bien comprendre ce qu'ils veulent, leur expliquer je sais faire, je ne sais pas faire (ou je n'ai pas l'outillage, qui est une façon polie de refuser)
- refuser ce qu'on ne sent pas (l'instinct n'est pas toujours mauvais conseiller) -soit parce qu'on ne sent pas capable de faire, soit parce qu'une petite voix nous dit que c'est un piège à c**
- mon histoire est visible ici et je la partagerai sur les réseaux sociaux, je vis dans une zone rurale, les choses se savent. Le but du jeu n'est pas de me dévaloriser en permanence non plus, commercialement, ce serait suicidaire. Donc en étant honnête, ensuite, c'est au client d'avoir confiance ou pas. Et on en peut pas avoir confiance tout le temps en tout le monde. C'est pas grave.
Voilà, je ne sais pas si tu te poses ces questions par rapport à ton expérience, tu as un parcours classique et assez long ou vis à vis des installations précoces (à 46 ans lol) de personnes inexpérimentées mais je trouve que certes tu es jeune mais tes bases devraient être solides et plutôt te mettre en confiance.
Bonjour
J'ai 68 ans et je me suis mis à mon compte à 21 ans. Je travaillais dans ma cuisine, je faisais des planches à découper, des bracelets, des bougeoirs, brefs des petits objets que je vendais dans les boutiques artisanales et sur les marchés d'artisans.Chaque fois que j'avais un problème technique je consultais un menuisier puis plus tard des ébénistes. Peu à peu j'ai appris (mais ce n'est pas la méthode la plus facile) et j'ai fait des meubles,des cuisines ect.Bref je ne regrette rien . Il faut profiter de la jeunesse et de l'absence de charges trop importantes pour se lancer.
Je suis pas sur qu'être sans expérience majeure sois un frein certain en une imagination débordante en terme de design, technique, réalisation car leur formation les a tiré vers le haut. Au delà de ça je pense que ces plus facile de se lancer jeunes sans expérience sans trop voir certaines contraintes moi maintenant même si l idée me tente j ai peur, peur de pas arriver à payer mes crédits maison subvenir à mes enfants, peur de pas être à la hauteur de la demande de mes éventuels clients, peur des impayés ect... Je pense que même avec de l expérience on peut se planter en beauté ce qui emmène le métier vers le bas ces le tarif aussi quand un client te demande un placard à 2000€ ben tu fais en conséquence tu lui fais pas un truc à 4000€ pour y laisser des plumes c'est un vaste débat je vais regarder les réponses avec attention
"Est-ce raisonnable ?", que cela en effet ?
Je vais faire une réponse de normand (que je ne suis pourtant pas): ça peut l'être, comme ça peut ne pas l'être.
Déjà, pour franchir le pas d'une installation à son compte, quelques qualités primordiales à mon avis :
Une capacité du futur ou nouveau chef d'entreprise à chercher à apprendre, à comprendre, à s'adapter et à toujours s'améliorer, et cela tous les jours, par tous les moyens possibles, sans cesse ni fin...
Savoir aussi se remettre en question, ne pas hésiter à se comparer ou comparer ses méthodes, manières de faire ou organisation avec celles d'autres, et au besoin en changer, cela dans le but de s'améliorer en permanence, et surtout en le faisant objectivement et sans s'obstiner à se croire le meilleur et infaillible. Ne jamais se construire et s'enfermer dans des certitudes.
Garder les yeux et les oreilles ouvertes, être à l’affût , sentir les tendances... être "aware", comme aurait dit JCVD. Ce qui se traduit, (plus simplement que lui ne l'avait fait) par : savoir, être informé, au courant, conscient, en éveil...
Avec ces qualités de base là, on peut avoir quelques chances de réussir et de durer dans le temps.
J'en ai vu plusieurs, qu'ils soient issus de formations classiques mais aussi d'autres qui venaient d'opérer une reconversion professionnelle, qui avaient ces qualités là, et qui réussissaient (même si ça ne met pas à l'abri d'un échec, les pièges et les embûches auxquelles sera un jour ou l'autre confrontée toute entreprise restant nombreux).
J'en ai aussi vu (toujours issus des mêmes parcours de formation) qui n'avaient pas intégré tout ou partie de ces clés d'état d'esprit, qui vivotaient de leur activité. Mais leurs errements se repéraient bien vite, et le bouche à oreille faisait vite leur réputation, et généralement pas la meilleure. Dans le meilleur des cas, ils en arrivaient à mettre fin à leur activité en s'en sortant tant bien que mal. Mais dans le pire, ils persistaient, s'obstinaient et se voyaient acculés jusqu'à tout perdre... vous imaginez la suite. Dure et cruelle réalité que la sélection naturelle ! Mais si ceux là sont tombés bien bas, il ne tireront pas plus le métiers avec eux.
Des cas de figure comme une reprise d'activité ou une succession, si bien accompagnée, peuvent faciliter les choses. Ou alors un domaine d'activité de niche, hyper spécialisé et sans peu de concurrence (mais ils sont rares), peut être un contexte favorable, car ne nécessite pas des compétences larges ou des expériences dans des domaines variés. (Je n'ai pas dit un domaine d'activité "simple", ou standardisable donc permettant des fabrications en séries, car ceux là sont au contraire souvent captés par des industries qui sauront toujours faire beaucoup mieux et à moins cher qu'un artisan).
A contrario, être multi-spécialisé (condition pourtant souvent indispensable, pour trouver suffisamment de travail pour un artisan) c'est se diviser, se disperser et s'exposer avec ses lacunes sur de multiples fronts, cela sans avoir le temps de tous tenter de les combler. Alors le manque d'expérience et d'expériences se fera plus durement ressentir
Je précise pour terminer, et à toutes fins utiles, que pour ma part, je n'ai jamais été à mon compte ! Même s'il m'est arrivé de l'envisager à une époque... avant qu'un de mes anciens patrons ne vienne me chercher pour l'accompagner dans la création d'une nouvelle entreprise. Puis pour prendre la responsabilité de l'atelier et le faire "grandir" et évoluer jusqu'à en arriver à une dizaine de personnes en production..
Puis encore plein de multiples expériences dans des entreprises moyennes ou plus importantes et domaines variés (mais toujours dans le bois, et plus précisément les domaines du meuble, ébénisterie et agencement). Beaucoup et de diverses responsabilités, et cela durant pas mal d'année, qu'il serait trop long de développer ici !
Je n'ai jamais été à mon compte, disais-je, et je ne le serais jamais, vu mon age actuel !
Mais aujourd'hui, je ne le regrette pas le moins du monde. Toutes ces expériences vécues, toutes ces réalisations, des plus simples à celles de grande ampleur et parfois prestigieuses, souvent difficiles aussi, car aux multiples défis techniques pour ces derniers, mais toujours magnifiques au final, m'ont procuré des satisfactions et une expérience auxquelles je n'aurais jamais eu accès, en créant ma propre entreprise.
Bah, je me rattrape un peu quand même en venant depuis peu ici et de temps en temps pour partager un peu de ce que j'ai accumulé d'expérience, comme je le fais encore aussi en entreprise, d'ailleurs...
Voilà, voilà... je parle, je parle, mais je vois que je n'ai pas apporté de réponse précise, affirmative ou négative à la question posée. Ben je n'en ai pas plus que ce point de vue particulier que je viens d'exposer. Je ne sais pas si ça va réellement contribuer positivement au débat... Espérons alors que ça vous aura fait un petit moment de lecture intéressante
Afin de faire profiter ceux et celles qui se posent la question comme moi ou qui sont juste curieux, voici les clés qui ressortent de ces discussions:
Se lancer jeune-inexpérimenté permet:
Se lancer jeune implique: